Commentaires
sur la position de la langue galloise Philip
Tagg Beaucoup de qubcois craignent que leur langue maternelle, le franais qubcois, risque d'tre noye dans l'ocan anglophone qui entoure leur petite le linguistique. Ce sont des craintes très compréhensibles puisque les québécois francophones ne constituent que 2.5% de la population du Canada et des É-U. Cependant et sans aborder la question du français acadien, ontarien ou manitobain , il me semble que l'histoire de certaines autres minorités linguistiques peut apporter des perspectives moins pessimistes. Je ne me concentrerai ici que sur la langue galloise et sur le fait que les 750,000 galloisants au Royaume-Uni sont cernés par 60,000,000 anglophones, soit 1.25% de la population britannique, soit la moitié en termes proportionnels de la minorité québécoise par rapport à la population nord-américaine. Sources principales
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État actuel Le Pays de Galles (Wales [anglais] / Cymru [gallois]) est la plus petite partie, en termes de population ainsi que de surface, du Royaume Uni, état-nation qui inclut l'Angleterre, l'cosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord. Moins de 5% (soit 3 millions) de la population du Royaume-Uni (60 millions) rside au Pays de Galles. Parmi ces 3 millions seulement 750,000 parlent le gallois. Toutefois, « La situation linguistique en Grande-Bretagne », crit Roger Price, « a cela de paradoxal... que le gallois ... a pu survivre, et semble mme amorcer une lente convalescence, aprs avoir subi, pendant plusieurs sicles, les assauts de l'anglais » (voir ces chiffres, surtout concernant les jeunes). Préhistoire des assauts Le brythonique, langue celtique aux emprunts du latin (par exemple, pont = pont, eglwys = glise) depuis l'occupation romaine de la Grande-Bretagne, tait la langue principale de la Grande-Bretagne jusqu'au temps des invasions germaniques et scandinaves partir du Ve sicle. Ces peuples-ci, pousss de leurs terres par des invasions provenant de l'est, poussrent, leur tour, les bretons indigènes vers les terres moins fertiles dans l'ouest de la grande île, soit dans ce qui seront le Pays de Galles et les Cornouailles (Cornwall, d'o, d'ailleurs, dbarquent les bretons pour s'installer en ce qui sera la Bretagne, petite par rapport la Bretagne relativement grande de leur provenance). Le breton, le cornique (langue morte aux Cornouailles) et le gallois appartiennent, tous les trois, au groupe des langues « p-celtiques », cette catgorisation faisant rfrence au |p| qui remplace le |k| des mots comme quando (latin) ou ceann (galique irlandais), ce qui donne en gallois pan (= quand) et pen (= tte) respectivement. Comme toute autre langue celtique, que ce soit du groupe p ou q (|k|), la syntaxe galloise emploie les mutations du consonne initial des substantifs (pont ou font = pont, par exemple) et le placement du verbe au dbut des phrases. Les assauts et la survie Cest à partir de lan 616, lors de leur défaite par les Saxons à la bataille de Chester, que les Gallois se trouvent seuls. Séparés de leurs frères celtes en Cornouailles et dans la Cumbria (actuellement le nord-ouest de lAngleterre), les habitants de la grande peninsule occidentale de la Grande-Bretagne méridionale, commencent à se voir comme nation. Cest alors que se développe une langue galloise distincte de lancienne brythonique (source). Les choses ne saméliorent pas avec larrivée des normands. Comme le note Price, « [E]n 1284, aprs la conqute [du Pays de Galles] par Edouard 1er, le Statut du pays de Galles unifia et annexa le pays de Galles au royaume d'Angleterre. » Pendant ces temps difficiles, il ne manquait pas aux gallois lesprit d'opposition face au traitement oppressif des forces normandes et anglaises. En 1400 Owain Glyndwr (Owen Glendower chez Shakespeare) monte une rebellion qui réussit à secouer les fondements du royaume anglais. Selon le moine gallois contemporain, Geraldus Cambrensis :
Après la défaite par les anglais en 1409, beaucoup de gallois, afin de sassurer aux droits de propriété niés aux gallois, sanglicisent. Les archers gallois étaient particulièrement recherchés et contribuent de façon importante au victoire des anglais à la bataille dAgincourt (1415).
Grâce aux efforts du pouvoir central anglais à convertir les gallois du catholicisme au protestantisme, et grâce à la traduction en gallois de la Bible et de la liturgie protestante, un bon tiers de la population galloise pouvait, en 1761, lire les textes sacrés dans leur propre langue. Avec lavènement du méthodisme et des autres sectes radicaux, la parole de Dieu se fait aussi valoir oralement chez la majorité analphabète dans les petites chapelles éparpouillées un peu partout dans le pays. Toutefois, lattitude officielle londinienne envers la langue galloise devient plus sévère au XVIIIe et au XIXe. Selon un voyageur anglais au Sir Fflint (Flintshire) en 1799 :
Des comptes similaires soulignent la fréquence avec laquelle les mesures anti-galloises sappliquaient à lécole. Souvent les mots Welsh Lump étaient écrits sur un carré en bois qui pendait du cou de lélève galloisant. Avec lavènement de la révolution industrielle au Pays de Galles, les attaques sur la langue galloise ne saffaiblissent pas. Lévénement le plus offensif est sans doute un rapport du gouvernement londinien en 1847. Cette enquête officielle sur « Létat de léducation au Pays de Galles » utilise comme « base statistique » les opinions de la petite noblesse du pays, celles des propritaires terriens anglicans et angliciss, du clerg et des employeurs, c'est--dire des classes les plus susceptibles de partager les prjugs des commissaires du gouvernement à Londres. Dans cette enquête, lemploi du gallois s'accompagne d'un cortge d'attributs ngatifs, qui comprenaient un got pour l'meute, le vice et la malpropret, l'oppos des modles accepts de la socit bourgeoise anglaise. Comme lindique Price, des personages victoriens prominents, tels que l'historien Lord Acton ... « maintenait que les Celtes ne sauraient tre inclus parmi les races progressives et entreprenantes . Les hommes politiques », continue Price, « taient particulirement inquiets au sujet des quelques cas d'agitation populaire qui, dans les campagnes aussi bien que dans les villes du pays de Galles, n'taient pas sans leur rappeler l'Irlande, menaant l'autorit des lites sociales ainsi que celle de l'tat. »
La survie et lascension modeste Le long de tous ces siècles, le gallois se préserve dans trois milieux principaux : dans la litérature des intellectuels nationalistes ; dans les nombreuses petites chapelles non-comformistes ; dans la vie privée et locale des gens dans les régions rurales les plus isolées du pays. Le nombre de galloisants était au plus bas entre 1960 et 1980, ce qui reflète non seulement les effets des assauts décrits ci-dessus mais aussi une politique étrange de la part de la BBC : entre 1922 et les années 1970, on ne pouvait écouter la radio en gallois que transmise de lIrlande! Cependant, depuis la deuxième guerre mondiale, après la dissolution de lancienne empire britannique et avec la rédirection des intérêts britanniques vers lEurope, le gouvernement à Londres comprend finalement que lunité nationale sera plus secure si on rend aux écossais leur Parlement et si on donne aux gallois leur Assemblée Nationale. Parmi les autres facteurs de la dernière moitié du XXe siècle à contribuer à la santé relative du gallois se trouvent :
Cest par de tels moyens et avec une ténacité admirable que les gallois ont pu, pendant ces vingt dernières années, tourner ce qui aurait pu signaler la chute finale de leur langue en ascension modeste mais significative (chiffres). Ils ont aussi réalisé jusquà quel point le bilinguïsme leur sert davantage. Comme lexprime le site web de lAssociation des Parents pour lÉducation par le moyen du Gallois (Rhieni dros addysg Cymraeg - en français) :
Les auteurs du rapport Le gallois au Royaume-Uni arrivent aux conclusions suivantes:
[La partie qui relie ce survol de la position de langue galloise avec celle du français québécois reste encore à écrire. Cependant, je crois que ce petit survol de la survie et de la résurgence partielle dune langue beaucoup plus menacée que le français québécois pourra provoquer chez mes amis francophones cis-atlantiques des reflexions utiles sur les stratégies politiques linguistiques]. Philip Tagg, Montréal, novembre 2005 (à jour 2008-06-07)
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