MUL 1121

Histoire de la musique populaire anglophone

Projet individuel, automne 2003

Professeur : Philip Tagg

Faculté de musique, Université de Montréal

Brian Eno

par

Nicolas Orton

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date de remise : 3 Décembre 2004

Brian Eno.

Dans l’industrie musicale dite populaire, le consommateur moyen de musique n’est exposé qu’à la façade que présente l’artiste. La construction d’un son et d’une image, autant pour un musicien que pour un album en particulier, est généralement un travail d’équipe qui inclut un large éventail de participants qui peut aller du personnel de marketing jusqu’au preneur de son. Certaines personnes, pendant leur carrière, jouent plusieurs de ces rôles et exercent une grande influence sur l’auditoire ainsi que sur les musiciens qu’ils côtoient. À notre avis, Brian Eno est un très bon exemple de ce type de participant au sein l’univers de la musique populaire.

Compositeur, producteur, concepteur sonore et artiste audio-visuel, il est plutôt difficile, à l’image de Frank Zappa, de catégoriser le travail de Brian Eno d’une perspective globale. Il vaut mieux tenter de dégager les activités qui lui on valut la reconnaissance et le respect de l’industrie dans lequel il évolue. Étant donné l’étendue de ses activités, la musique populaire, la musique classique contemporaine et les arts plastiques réclament tous leur part d’autorité à son sujet. Pour des besoins de synthèse, nous nous pencherons sur quelques concepts-clé qui, à notre avis, définissent plutôt bien le travail de Brian Eno, nous verrons ensuite en quoi ces idées créent des liens entre les divers univers artistiques que nous venons de nommer. Après un bref survol biographique, nous verrons le concept de musique ambiante[1], ensuite nous enchaînerons avec l’idée de musique générative, intimement lié au premier sujet suggéré. Nous terminerons l’essai avec un aperçu de ce que Eno appelle les Sstratégies Oobliques.

Quelques notes biographiques.

Brian Eno est né en 1948 à Woodbridge, dans le Suffolk, en Angleterre. Son cheminement académique ressemble à celui de plusieurs musiciens émergeants de cette époque et qui auront une grande influence sur l’avenir de la musique populaire anglophone. Après un séjour dans une école catholique de sa ville natale il poursuit ses études dans une école d’art[2], celle d’Ipswich. Plus tard, il se rend à l’école des beaux-arts de Winchester ou il obtient son diplôme en 1968. Parmi ses collègues de classe qu’il vaut la peine de mentionner, notons la présence de Heinz Hughes et Trevor Bell. Il quitte Winchester l’année suivante pour tenter sa vie à Londres. Peu de temps après il se joint au groupe Roxy Music pour lequel, selon In Motion Magazine[3], il est manipulateur de sons.  Déjà, la carrière de Eno s’oriente vers la conception sonore, une passion qu’il a héritée de ses années d’étude pendant lesquels ils s’est voué à l’installation audio-visuelle. Il quitte Roxy Music en 1973 pour poursuivre une carrière individuelle. Jusqu’à la fin des années 70’ ses activités peuvent être résumées par la production et la conception de plusieurs disques[4]et la réalisation d’installations utilisant la lumière, la vidéo, les diapositives et le son. Depuis cette époque, Brian Eno a continué sa carrière solo avec 16 albums, dont le dernier : Neroli remonte à 1993. À notre avis, l’album le plus important à retenir est Ambient I : Music for Airports, sorti en 1978. C’est ce dernier disque qui aura le plus grand impact quant à la diffusion de la musique ambiante, idée qui caractérise probablement le plus l’univers sonore du musicien-concepteur.

Pour bien comprendre l’impact et l’influence de Eno dans l’histoire de la musique populaire, nous croyons utile de nommer quelques-unes des personnes avec lesquelles il a collaboré[5]. En ce qui concerne la musique populaire nommons : Roxy Music, Talking Heads, David Bowie, Robert Fripp, John Cale, Daniel Lanois et U2.

Sa grande polyvalence et sa curiosité lui ont également mené à des collaborations avec des musiciens plus associés à la musique classique contemporaine dont, Gavin Bryars, Terry Riley, Micheal Nyman et John Cage.

Musique Ambiante.

« La musique d’ameublement est foncièrement industrielle. L’habitude – l’usage – est de faire de la musique dans les occasions ou la musique n’a rien à faire (…) Nous, nous voulons satisfaire un besoin utile, L’art n’entre pas dans ces besoins. La musique d’ameublement crée de la vibration; elle n’a pas d’autre but; elle remplit le même rôle que la lumière, la chaleur et le confort sous toutes ses formes[6]. »

Cette citation, tiré des Écrits d’Erik Satie, est, à notre avis, la base d’une philosophie adopté par plusieurs musiciens dans divers domaines et utilisé à plusieurs sauces. John Cage, dont les idées sur l’art ont révolutionné la manière de concevoir la musique des générations de musiciens après-lui et ces idées de composition basé sur la non-intervention et la non-intention Zen, s’inspirent directement de la musique d’ameublement de Satie. Si John Cage appartient traditionnellement plus au domaine de l’avant-garde classique, Brian Eno, lui, est généralement associé à la musique populaire. Son concept de musique ambiante s’inscrit aussi dans la lignée de la pensée de Satie et de Cage, tout en comportant des différences esthétiques importantes. Notons que, en 1976, Eno et Cage participent ensemble au disque Voices and Instruments. Cet événement signifie une collaboration directe entre l’avant-garde classique et un artiste issu de la musique populaire. Ce genre d’échange n’est pas unique, mais Eno demeure un élément d’inter- influence  important en établissant un pont, pratique et idéologique, entre les deux domaines musicaux.

Qu’est-ce que la musique ambiante ? Quoi-que le terme soit assez auto-descriptif Brian Eno la définit sa fonction comme suit :

« L’Ambient music doit être capable de s’adapter à de nombreux niveaux d’attention d’écoute sans privilégier un en particulier. Elle doit être aussi intéressante que facile à ignorer[7]. »

Ambient I : Music for Airports, est le premier disque d’Eno explicitement appartenant au style de musique ambiante. Il choisit ce terme pour décrire un style de musique déjà en voie d’émergence. L’esthétique principale du genre est de fournir un milieu sonore (ambiance) pour agrémenter des lieux et des activités quotidiennes. Une description qui retrouve des échos dans l’écologie sonore du compositeur canadien Murray Schafer ainsi que dans la philosophie du Muzzak développé dans les année 50’. L’idée que la musique devienne un outil primordial pour agrémenter les milieux d’activités du quotidien est intimement lié au développement et la diffusion de la radio et des autres médias audio. D’abord centralisateur de par sa nouveauté lors de sa création, la relative facilité d’obtenir de l’équipement de diffusion sonore sature les milieux de vie de musique et altère fondamentalement la perception des auditeurs face à ce média. La musique est rapidement relégué au rôle d’outil d’agrément du quotidien. Satie, déjà en 1920, avait la clairvoyance de se rendre compte du phénomène et n’hésita pas à en profiter. Brian Eno en fait de même quelques 50 années plus tard.

En tentant l’expérience de la musique ambiante avec Music for Airports, Eno allait à l’encontre des idées qui dominaient encore l’industrie du disque dans les années 1970. C’est à dire produire des disques pour des gens qui ont une durée d’attention brève, veulent de la nouveauté et surtout sont friands de paroles et de voix. Notons que Music for Airports est un album purement instrumental et ne contient donc pas de paroles.

Mais malgré cette perception de l’industrie, Eno remarque que lui et ses amis utilisaient surtout la musique comme fond dans leur soirées ou chez eux. Les paroles n’avaient que peu d’importance dans le fond puisqu’elles n’étaient rarement écoutés avec attention sauf exception.

En plus de ce genre d’expériences de philosophie acoustique, Eno s’intéresse beaucoup au développement de la lutherie électronique qui, en évoluant, permet la création de textures complexes électroniques et d’espaces virtuels, par le biais de haut-parleurs plus performants. L’idée et les outils arrivés à un niveau de maturité acceptable, tout ce qu’il manque est un événement déclencheur. En fait, la lutherie électronique, surtout utilisé lors de la production et la post-production des albums devient, avec Eno, l’instrument principal de création et de diffusion, à l’image de certaines musiques de Karlheinz Stockhausen et des disciples de Pierre Schaeffer dans les milieux classiques contemporains.

L’élément déclencheur arrive en 1977 lorsque Brian Eno se retrouve à l’Aéroport de Cologne. Selon le musicien, l’endroit était vide, et l’espace imposant du bâtiment était acoustiquement attirant. Il commence donc à ce demander quel genre de musique y sonnerait bien ?  Il décrit la musique qui lui est venu à l’esprit comme suit :

« Il faut qu’on puisse l’interrompre (à cause des annonces) qu’elle se situe en dehors des fréquences auxquelles les gens parlent, à des vitesses différents de leur élocution. Elle doit pouvoir s’adapter à tous les bruits qu’on entend dans un aéroport[8]. »

Une autre caractéristique importante pour le musicien est que cette musique imaginée soit intimement lié à l’endroit qu’elle cherche à meubler. Par exemple, Music for Airports a été expressément conçu pour être joué et entendu dans un aéroport. Suite à cette sorte de révélation, Eno fonde sa propre étiquette de disques, Ambient Records, et sort son premier son premier disque de musique ambiante : Ambient I : Music for Airports, en 1978. À l’intérieur de la pochette du disque, le musicien y inclut un manifeste de la musique ambiante :

« Le concept de musique conçue expressément comme fond sonore d’un environnement a été développé dans les années 50 par Muzak Inc. (…) cela à conduit les auditeurs les plus exigeants (la grande majorité des compositeurs) à repousser entièrement le concept même de musique environnementale…

  Au fil des trois dernières années, je me suis intéressé à l’emploi de la musique comme ambiance, et j’en suis venu à croire qu’il est possible de produire un matériau pouvant être utilisé de cette manière sans se compromettre… »

Afin de faire une distinction claire entre ce qu’il faisait et les activités de la compagnie Muzak, Brian Eno utilise et diffuse le terme de Ambient-Music en association avec sa musique et son nom. La séparation entre les deux genres musicaux est à la fois esthétique et idéologique. Les compagnies, telles que Muzak Inc., qui font de leur objectif principal la régularisation des environnements sonores éliminent des musiques, souvent des reprises de chansons bien connues, les éléments qui pourraient détourner l’attention et forcer l’auditeur à y porter une attention trop particulière. Le but avoué de la plupart de ces organismes musicaux est de créer des milieux qui favorisent l’établissement d’une humeur précise chez un individu, souvent pour instituer un état psychologique favorable à la consommation ou au travail plus productif. Alors que l’action principale d’une telle idéologie est, selon Eno, un état de dépouillement des éléments « d’incertitude et de doute » pour tenter « d’égayer l’environnement en y rajoutant un stimulus ». La musique ambiante tente plutôt de souligner les éléments qu’évite le Muzak et veut éviter les stimuli. Le but de la musique de Eno est plutôt de susciter le calme et de créer un espace pour vaquer à ses pensées. C’est un discours qui ressemble beaucoup à certains credos des mouvements psychédéliques des années 60’.

Ambient I :Music for Airports, fut reçue par la plupart des critiques anglais comme étant une plaisanterie cérébrale, une tentative de la part d’un musicien issu de l’industrie populaire de produire une œuvre d’art élitiste. Pourtant, si l’album lui-même n’a jamais obtenu un succès comparable aux disques inscrits dans les sillons plus traditionnels, l’idée de la musique ambiante, telle que conçue par Brian Eno a néanmoins jouit d’une pérennité qui survit encore. De plus, cette musique a capté l’attention de nombreux musiciens des milieux populaires. La reconnaissance des ses pairs en tant que concepteur sonore et technicien lui vaudra un avenir fort intéressant en tant que collaborateur avec de nombreuses personnalités de l’industrie.

Sur la première étiquette de disques : Ambient Records, il n y eu que 4 sorties d’album dont : Ambient I :Music for Airports et On Land de Brian Eno, ainsi que The Plateaux of Mirror de Harold Budd et Day of Radiance de Laraaji. Tous les albums suivent plus ou moins la même lignée esthétique issue de la musique ambiante. De nos jours, les albums de cette étiquette ont étés repris par la compagnie Virgin.

Bref, par le biais de ce que nous venons d’étayer, nous pouvons en arriver à plusieurs conclusions. Tout d’abord, par le biais d’un intérêt pour certains concepts, d’abord mis de l’avant par Erik Satie et John Cage, Eno participe à une circulation d’idées entre des milieux musicaux différents, prouvant la possibilité d’une communication riche en expériences d’apprentissages. Ensuite il aide à mettre en évidence le travail des techniciens sonores en créant un art basé principalement sur l’utilisation de la lutherie électronique des studios d’enregistrement. À la suite de ces expériences sonores, Eno s’inscrira dans la suite de ces producteurs qui influencent beaucoup le son des gens avec qui ils travaillent (comme Daniel Lanois par exemple.) Finalement, à notre avis, il aide à dévellopper la conscience de la possibilité de travailler en profondeur sur le matériau sonore. Il n’est, bien sûr, pas l’initiateur d’une telle idée. Les gens qui ont conçu une utilisation bien spécifique des microphones et des filtres pour les musiciens on depuis longtemps compris l’importance du geste (que serait la voix d’Elvis Presley, sans les effets de microphone ?)  mais Eno participe tout de même à démontrer les possibilités accrues des nouvelles technologies dans l’élaboration d’un son pour un projet musical donné.

Musique générative.

L’idée de musique générative et intimement liée à la musique ambiante. L’une n’existe pas sans l’autre. S’il existe une influence de l’avant-garde classique dans ce concept, elle se situe avec les compositeurs qui s’inscrivent dans l’esthétique de la musique répétitive américaine (par exemple : Steve Reich, Philip Glass, Terry Riley) D’ailleurs, parmi les collaborateurs d’Eno, on retrouve Terry Riley, Gavin Bryars et Michael Nyman, l’hypothèse n’est donc pas complètement farfelue. Mais, l’idée de la musique générative est avant tout physique plutôt qu’idéologique. Elle est issue de l’intérêt d’Eno pour les technologies pouvant aider à créer des expériences audio-visuelles.

Les premiers essais utilisant des techniques de musique génératives datent d’avant Music for Airports. Le premier album qui fait usage de cette idée est Discreet Music, paru en 1975. Le processus derrière Discreet Music peut-être décrit comme suit :

Deux lignes mélodiques, de durées légèrement différentes, évoluent en se répétant de manière autonome l’une par rapport à l’autre. Le contrepoint qui s’ensuit est arbitraire. C’est à dire que Eno a laissé se produire les textures mélodiques comme le dictait l’évolution des superpositions dans le temps. On peut facilement établir des rapports avec les discours de John Cage par rapport au hasard qui faisaient encore rage à l’époque, même si l’influence de Cage précède les années 70’. De plus, le hasard contrapuntique, lorsque utilisé en position de stéréophonie produit une multitude d’effets : espace sonore qui évolue, déphasages, et rencontre en phase inversée des voix. Mathématiquement, le phénomène s’explique comme suit : si une mélodique dure 29 secondes et l’autre 33, les lignes se retrouveront synchronisés à leur point de départ, mais en phase inversée toutes les 957 secondes (29x33=957.) C’est exactement le même principe utilisé par le compositeur américain Steve Reich dans plusieurs de ces œuvres. Certains procédés sont établis avant l’actualisation de la musique, le hasard et le temps fournissent le reste.

Tout en donnant une impression de répétitivité qui peut être hypnotisante, la musique n’est jamais exactement pareille d’un moment à l’autre, même lorsque les voix se rencontrent se n’est pas identique au point de départ. Il est à noter que certains des effets proposés par ce genre de procédé dépassent parfois le seuil de perception auditive mais, ontologiquement, la « différence dans la ressemblance » reste un procédé de composition qui possède de nombreuses possibilités quant à la création de musiques ambiantes telles que le conçoit Brian Eno. Cette technique permet effectivement une musique qui « peut s’adapter à de nombreux niveau d’attention[9] » et peut être « aussi intéressante que facile à ignorer. »[10]Outre Discreet Music, les autres disques qui on étés conçus en utilisant massivement les techniques de musique générative sont : Music for Airports, On Land, Thursday Afternoon et Neroli.

La première fois que Eno a utilisé des techniques de ce genre est dans ces installations audio-visuelles. Dans certaines de ses installations, il utilisait plusieurs éléments pré-enregistrés sur des cassettes de longueurs différentes ou roulant à des vitesses différentes. 

Le tout jouait de manière simultanée. Il était donc possible, en se déplaçant dans l’installation en question, d’obtenir des résultats toujours différents par rapport au point du récepteur dans l’espace et le temps.

« J’ai beaucoup aimé ces expos (d’installations) – surtout parce que je savais que la musique que j’écoutais à n’importe quel moment était unique, et qu’on ne pourrait sans doute jamais entendre exactement la même[11] »

Le rêve de Brian Eno était de vendre aux auditeurs potentiels des systèmes de sons pouvant fournir l’expérience de ses installations sonores. Il déplorait le fait que ses disques, une fois écoutés, ne puissent que reproduire exactement la même musique que lors de la première audition. Il voulait une musique éternellement renouvelable. Malheureusement, à l’époque, cela impliquait l’achat de plusieurs lecteurs de cassettes ou de disques avec des haut-parleurs très performants, l’idée n’est donc restée qu’a l’état d’utopie.  Notons que le renouvellement des musiques était (et est encore) également l’une des préoccupations principales de l’avant-garde classique. Cette problématique entraîna de nombreuses expérimentations en composition comprenant des notions de hasard et d’aléatoire. Parmi les principaux compositeurs à s’attaquer à cette idée on retrouve entre autres Karlheinz Stockhausen, Pierre Boulez et encore une fois, John Cage. Brian Eno, encore une fois, puise des concepts qui circulent depuis les années cinquante dans les cercles musicaux dits classiques, surtout de l’école de Darmstadt et les transpose dans son réseau de diffusion personnel, qui s’oriente vers les consommateurs de musique populaire. Comme pour tous les musiciens travaillant avec la lutherie électronique pour arriver à leurs fins, le développement de l’informatique et des technologies numériques multiplia les possibilités, tant au niveau sonore qu’au niveau conceptuel. En observant le fonctionnement et le comportement des écrans de veille sur les ordinateurs qui, graphiquement, se renouvellent, Brian Eno commence à rédiger des idées pour produire des programmes informatiquement qui en ferait de même au niveau sonore. Son idée est de fournir un petit élément sonore, une sorte de « graine » que l’ordinateur pourrait faire croître et vivre par lui-même selon certains principes pré-établis. À l’avis de Brian Eno, cela donnerait une caractéristique « génétique » à la musique qui en résulterait.

Pour citer John Cage c’est « imiter la nature dans sa façon de faire. ». EnoIl conçoit donc une musique qui évolue selon des calculs de probabilité, un peu à la manière des techniques stochastiques utilisés par Iannis Xenakis. Eno, Een parlant de sa musique utilisant des techniques de musique générative, Eno nous fournit la description suivante :la décrit comme suit :

« J’imaginais l’œuvre évoluant à partir des interactions entre ces éléments probabilistes – et, par conséquent, différemment à chaque interprétation. »

Brian Eno, chose surprenante, ne connaissait pas grand les langages informatiques. Son idée de génération musicale par ordinateur ne resta donc qu’une idée jusqu’en 1995.

Cette année là, la compagnie informatique Sseyo lui envoie un disque intitulé Koan.

Quelques pièces sur ce disque sont clairement conçues dans le style de musique ambiante pour lequel Eno est reconnu. Impressionné par le résultat du disque, il  contacte Sseyo afin d’obtenir une copie du programme qui avait généré Koan. Le programme est principalement un générateur de « règles de création » sonores, dans la même lignée des concepts que Eno imaginait depuis quelque-temps. Il indique que, après avoir surmonté des problèmes d’installation habituels, il s’est retrouvé « comme un poisson dans l’eau. »

Koan (l’album et le programme portent le même nom) permet de gérer pas moins de 150 paramètres dont le timbre, l’enveloppe, l’harmonie, le rythme, le tempo etc…  Ce qui rend le programme intéressant pour Eno est qu’il gère les paramètres de manière probabiliste. Selon lui, la musique existe, depuis les avancés en informatique, sous trois formes : la musique en direct, la musique enregistrée et la musique générative. Toujours de l’avis de Brian Eno, la musique générative possède un certain avantage sur ces prédécesseurs. Comme la musique en direct, elle est toujours différente, mais elle n’est pas limitée à un lieu ou un temps précis.

Brian Eno n’a pas inventé la musique générative (mais il a peut-être inventé le terme.)

Le monde de l’avant-garde classique abonde, depuis bien avant Discreet Music, d’expériences musicales qui vont dans le sens des concepts étayés par lui. De son propre aveu, Eno s’inspire directement d’œuvres telles que Come Out ou It’s Gonna Rain de Steve Reich. À notre avis, ce n’est pas la nouveauté qu’il recherche mais bien l’exploitation d’une manière de faire de la musique qu’il juge bien de développer et de diffuser auprès du plus grand public possible. De plus, les harmonies assez accessibles, les sonorités électroniques douces qui font sa signature  ainsi que la réputation qu’il possède dans l’univers de la musique populaire ont, ététant donné le fonctionnement de l’industrie musicale, plus de chance de transmettre des concepts intéressants à un large publique que la musique contemporaine dite classique.

 Les concepts intimement liés de musique ambiante et de musique générative, pour être bien compris dans la démarche artistique de Eno, doivent être étudiés à la lumière de ses opinions et de son cadre intellectuel. Ses idées, surtout à propos de la culture dans laquelle il évolue, sont importantes pour bien comprendre la naissance de ces idées.

Ce que Eno cherche à produire dans sa musique est une musique « inachevée » qui suscite la participation auditive de ceux qui la consomment. Elle est inachevée dans la mesure ou elle reste toujours ré-écoutable sous une lumière nouvelle. L’auditeur participe à son « achèvement » en proposant des espaces et des moyens de diffusions en relation avec le son et qui peuvent modifier la perception de ce dernier. De plus, dans l’idéal proposé par Eno selon lequel la musique générative et ambiante, par le biais de systèmes spécialisés, serait nouvelle à chaque écoute, est également une forme de participation active de l’auditeur puisqu’il est toujours appelé à compléter, peut-être en devinant, les possibilités de développement du discours musical.

Le choix du mot « inachevé » n’est pas le fruit du hasard. Le mot « interactif » est aussi associé à ce type de démarche qui, notons-le, n’est pas unique à Eno. Pour lui, toutes les formes d’activité culturelle sont, par définition, « interactives ». Nul besoin d’apposer l’adjectif en question devant le mot « culturel » puisque c’est sous-entendu. Pour Eno, parler de culture interactive, ou bien de musique interactive, équivaut à une redondance puisque ces types d’activités impliquent nécessairement deux personnes. Les participants font des choix par rapport aux stimuli qu’ils reçoivent et interagissent avec ces derniers.

« c’est une invitation (en faisant référence à la culture) qui vous est faite à vous engager dans un monde, différent de votre imagination comme celle des autres. Sans votre engagement actif, rien ne se passe. Vous n’êtes jamais vraiment un consommateur passif de culture, parce que, dans ce contexte, le seul sens selon lequel le verbe « consommer » prend une signification, c’est quand il veut dire accepter de s’engager »[12]

Malgré cette idée, Eno tente quand même de proposer à l’auditeur une approche différente a la consommation de musique. C’est la que le mot « inachevé » prend son sens. Il résume l’idée comme suit :

« Voici un objet culturel que vous devez terminer pour pouvoir vous en servir. Un autre moyen de s’exprimer, c’est de laisser entendre que les faiseurs de culture renoncent à fournir des expériences complètent, pures, pour les plates-formes à partir desquelles les gens façonneront les leurs. »[13]

Dans cette dernière citation, Eno parle surtout des moyens de diffusion, tel que les systèmes de son et les ordinateurs qui son adaptables aux expériences médiatiques hautement personnalisés. Mais, pour bien comprendre le rôle que jouent les musiques de Eno dans sa démarche, il est important de souligner son point de vue par rapport au lien que les gens entretiennent à leur environnement culturel. L’idée d’exploiter les filons que présentent la musique ambiante et la musique générative son liés à la création de milieux sonores et d’interactions diversifiées dans lesquelles chaque personne peut y trouver son compte. Les instruments de création et de diffusion sont donc d’une importance capitale pour pouvoir permettre ce genre d’activité. Eno, dans son journal, imagine un futur dans lequel les morceaux d’une pièce musicale nous sont vendus séparément sur CD-rom et que les consommateurs peuvent assembler à leur guise. Il avait écrit cette remarque en 1994 et, permettons-nous le commentaire, nous pouvons dire avec une certaine assurance que c’est une idée qui existe sous une forme ou une autre de nos jours.

Le voyage sonore entrepris dans les années 1970 ,avec la musique ambiante, peut-être compris par le moteur philosophique de Eno, qui se résume ainsi :

« …voir les gens abandonner les vieilles définitions de l’identité, de plus en plus dangereuses – ainsi la race, l’appartenance ethnique, la classe, le sang – pour commencer à considérer l’identité comme quelque-chose de multiple, de changeant, de brouillé, d’expérimental et d’adaptatif. Je crois que le soubassement philosophique d’un tel changement se met déjà en place, sous forme de pure distraction[14]. »

 Les Stratégies obliques.

Les stratégies obliques sont une manière de penser qu’utilise parfois Eno pour insérer des éléments de hasard dans la musique, s’assurer un certain renouvellement ou bien trouver de nouvelles solutions à de vieux problèmes créatifs.

« Au bout de quelques mois de travail, je m’use lentement et tout commence à donner l’impression d’être simplement mon boulot.[15] »

Cette citation de Eno résume bien l’état dans lequel s’est trouvé presque tous les musiciens de métier. Dans ce cas, il faut trouver des solutions créatives pour relancer l’inspiration et redonner le goût de travailler. Pour notre compositeur de musique ambiante, la solution sont les stratégies obliques.

Le concept initial est une idée de Brian Eno et d’un ami peintre, Peter Schmidt. Essentiellement, les Stratégies Obliques sont un ensemble de 113 cartes sur lequel sont écrites une variété de courtes phrases sous la forme de directives ou de suggestions d’action[16]possibles. L’ensemble d’origine à été publié en 1975 et depuis cette date il évolue et des nouvelles phrases aux instructions suggestives se rajoutent.

À notre avis, l’utilisation de ces cartes rappelle beaucoup ce que John Cage faisait avec le « I Ching » chinois. C’est à dire l’introduction d’une force extérieure, un élément de hasard, qui suggère des processus de création hétéronomes. Dans les Stratégies Obliques, l’objet du « jeu » est de piger une carte, d’en suivre les instructions et d’en gérer les conséquences sur l’œuvre sur lequel on travaille. Plusieurs albums ambiants de Eno ont été crées selon ce principe. L’album Outside, de David Bowie, paru en 1995, utilise certaines Stratégies Obliques, notemment dans l’assemblage des paroles des chansons.

Brian Eno est un personnage qui appartient surtout au domaine de la musique populaire. La grande majorité de ses collaborateurs sont des musiciens de l’industrie pop et ses auditeurs sont, pour la plupart, des gens qui écoutent la musique que produit ce milieu. Même si Music for Airports a réussit à se tailler une certaine place parmi les disques obscurs mais influents de la culture populaire, Eno est surtout reconnu pour son travail en tant que producteur et concepteur sonore. Ses idées lui ont valu une certaine reconnaissance de ses pairs, ce qui a mené à d’importantes collaborations[17]. Par le biais de son travail auprès de certains artistes, il a pu faire passer plusieurs de ses idées, dans une certaine mesure, auprès de la culture de masse. Au courant de cet essai, nous avons mis l’emphase sur trois aspects chez Brian Eno qui lui donnent, à notre avis, un rôle plutôt inusité dans l’histoire de la musique populaire : il est un créateur qui puise la grande majorité de ses idées à propos de la composition dans l’univers de l’avant-garde classique, mais il véhicule la quasi-totalité des ses concepts par le biais de l’industrie populaire. Brian Eno jouit d’un groupe d’admirateurs restreint et particulier : Ceux de musique planante et abstraite ou bien les gens qui recherchent un « son » particulier et suivent de près des producteurs. C’est, à notre avis, les mêmes types  personnes qui, par exemple, pourraient s’intéresser à la carrière de Daniel Lanois. La musique ambiante est sans contredit la contribution musicale dEno la plus évidente auprès du public. Mais, à notre avis, l’aspect le plus intéressant à son propos reste néanmoins sa capacité d’adapter les concepts de l’avant-garde classique à la culture populaire.

Annexe I.

Production.

Cette section fournit une liste de la production musicale de Brian Eno. À notre connaissance elle est encore valide.  Au-delà d’une simple liste à titre d’information, l’étendue et la variété de ses collaborations permettent de dresser un portrait plutôt fidèle de l’influence d’Eno au sein de l’industrie musicale populaire. En plus des albums énumérés ci-dessous, il a participé à 12 présentations collectives et plus de 33 présentations individuelles dans le domaine de l’installation audio-visuelle.

Albums Solo :

Here Come The Warm Jets, 1973, Virgin

Taking Tiger Mountain, 1974, Virgin

Another Green World, 1975, Virgin

Discreet Music, 1975, Obscure

Music for Films, 1976, Virgin

Before and After Science, 1977, Virgin

Music for Films, 1978, Virgin

Ambient I : Music for Airports, 1978, Virgin

Ambient 4 : On Land, 1982, Virgin

Working Backwards, 1973-83, Virgin

Thursday Afternoon, 1985, Virgin

More Blank Than Frank, 1986, Virgin

Desert Island Selection, 1986, Virgin

Nerve Net, 1992, Opal / Warner Bros.

The Shutov Assembly, 1992, Opal / Warner Bros.

Neroli, 1993, All Saints Records

Productions et co-productions par ordre chronologique :

1973, Portsmouth Sinfonia Plays the Popular Classics,

Portsmouth Sinfonia, (Transatlantic)

1974, Hallelujah, Portsmouth Sinfonia, (Transatlantic)

1975, The Sinking of the Titanic, Gavin Bryars, (Obscure)

1975, Ensemble Pieces, Christopher Hobbs / John Adams / Gavin Bryars, (Obscure)

1975, New and Rediscovered Musical instruments, David Toop / Max Eastley (Obscure)

1975, Lucky leaf and the Longship, Ronert Calvert, (UA)

1976, Voices and Instruments, Jean Steel / John Cage (Obscure)

1976, Decay Music, Michael Nyman, (Obscure)

1976, Music from the Penguin Café, Penguin Café Orchestra, (Obscure)

1977, Ultravox, Ultravox, (Island)

1978, More Songs About Buildings and Food, The Talking Heads, (Sire)

1978, Are We Not Men ? We are Devo, Devo (Virgin)

1978, No New York, Contortions / Teenage Jesus and the Jerks / Mars / DNA, (Antilles)

1978, machine Music, John White / Gavin Bryars (Obscure)

1978, IrmaAn Opera, Tom Philips / Gavin Bryars / Fred Orton (Obscure)

1978, The Pavillion of Dreams, Harold Budd, (Obscure)

1979, Fear of Music, Talking Heads, (Sire)

1980, Remain in Light, Talking Heads, (Sire)

1980, Ambient 3 : In radiance, Laraajji, (Virgin)

1981, The Pace Setters, Edifanko, (Virgin)

1981, Fourth World Vol.2 : Dream Theory in Malaya, Jon Hassel, (Virgin)

1984, the Unforgettable Fire, U2, (Island)

1985, Hybrid, Michael Brook, (Virgin)

1985, Voices, Roger Eno, (Virgin)

1985, Africana, Therese de Sio (Polydor)

1987, The Joshua Tree, U2, (Island)

1987, The Surgeon of the Night Sky Restores Dead Thongs by the Power of Sound, Jon Hassel  (Intuition)  

1988, Flash of the Spirit, Jon Hassel / Farafina, (Intuition)

1989, Zvuki Mu, Zvuki Mu (Opal / Warner Bros.)

1989, Words for the Dying, John Cale (Opa; /Warner Bros.)

1989, Inc., Terry Riley, (Celestial Harmonies)

1990, Exile, Geoffrey Oryema, (Real World)

1991, Achtung Baby, U2, (Island)

1992, When I Was a Boy, Jane Siberry (WEA)

1992, Complete Service, Yellow Magic Orchestra, (Alfa)

1993, Zooropa, U2, (Island)

1993, Laid, James, (Phonogram)

1994, Wah Wah, James, (Phonogram)

1994, Bright Red, Laurie Anderson, (Warner Bros.)

1995, Outside, Davie Bowie, (BMG)

Collaborations spéciales:

Dans la liste fournie ci-dessous, seul les collaborateurs de Brian Eno sont énumérés. Il est sous-entendu qu’il a participé à tous les projets mentionnés.

1972, Virginia Plain, Roxy Music, (Virgin)

1972, Roxy Music, Roxy Music, (Virgin)

1973, For your Pleasure, Roxy Music, (Virgin)

1973, Pyjamarama, Roxy Music, (Virgin)

1973, No Pussyfooting, Robert Fripp, (Virgin)

1974, June 1st 1974, Kevin Ayers / John Cale / Nico, (Island)

1974, Evening Star, Robert Fripp, (Virgin)

1976, 801 Live, 801 (Virgin)

1977, Cluster and Eno, Cluster and Eno, (Sky)

1977, Low, David Bowie, (RCA)

1977, Heroes, David Bowie, (RCA)

1978, After the Heat, Moebius / Roedelius, (Sky)

1979, Lodger, David Bowie, (RCA)

1980, Ambient 2 : The Plateaux of Mirror, Harold Budd, (Virgin)

1980, Fourth World Vol.I : Possible Musics, Jon Hassel, (Virgin)

1981, My Life in the Bush of Ghosts, David Byrne, (Virgin / Sire)

1983, Apollo – Atmospheres and Soundtracks, Daniel Lanois / Roger Eno, (Virgin)

1984, The Pearl, Harold Budd / Daniel Lanois, (Virgin)

1988, Music for Films III, Budd / Lanois / Brook / Jones / Laraajji / Mahlin / Theremin

(Opal / Warner Bros.)     

1988, You don’t Miss Your Water, (Bande Originale du film Married to the Mob),

(Warner Bros.)

1990, Wrong Way Up, John Cale, (Opal / Warner Bros.)

1995, Spinner, Jah Wobble, (All Saints Records)

1995, Original Soundtracks I: Passengers, U2 / Pavarotti / Howie B. / Holi, (Island)

Annexe II : Quelques exemples de Stratégies Obliques.

N.B : Tous les exemples énumérés sont la création de Brian Eno et Peter Schmidt.

Abandonne les instruments normaux

Considère des transitions

Donne libre cours à ton impulsion la plus mauvaise

Enlève les éléments par ordre d’inimportance apparente

Décore, décore

Fais quelque-chose d’ennuyeux

Pense à la radio

Regarde l’ordre dans lequel tu fais les choses

Utilise moins de notes

Travaille à un rythme différent

Utilise des filtres

Utilise une vieille idée

Vers l’insignifiant

Bibliographie.

ENO B, Journal : A Year With Swollen Appendices, Traduction : Mourlan J-P, Le Serpent à Plumes, Paris, 1998

ENO B / MILLS R, More Dark Than Shark, Faber and Faber, London, 1986

TOOP D, Ocean of Sound : Aether Talk, Ambient Sound and Imaginary World’s,

Serpent’s Tail, London, 1995

WICKE P, Rock Music : Culture, Aesthetics and Society, Traduction : Fogg F, Cambridge University Press, Cambridge, 1990

Disques Consultés à des Fins de Recherche.

ENO B, Ambient I : Music for Airports, Virgin Records, 1978

Sites Internet Consultés.

Sites concernant les Stratégies Obliques :

www.rtqe.net/ObliqueStrategies/frenchEd.html

www.rtqe.net/ObliqueStrategies/

classique.



[1] Traduction libre de l’auteur de ce texte du terme anglais  Ambient Music 

[2] Traduction de l’anglais  Art-School

[3] Site Internet : www.inmotionmagazine.com

[4] Voir l’annexe à la fin de ce document pour avoir une liste chronologique de la production de Brian Eno.

[5] Une liste plus exhaustive est fournie à la fin de ce texte. Voir l’annexe.

[6] Satie, E., Écrits, p.190, Champs Libre, 1977, Paris.

[7] Tiré des notes de disques de l’album Ambient I : Music for Airports, Virgin, 1978

[8] Eno B., Brian Eno Journal : Une année aux appendices gonflés,  p.357Tiré des notes de l’album Ambient I : Music for Airports, Virgin, 1978

[9] Tiré des notes de disques de l’album Ambient I : Music for Airports, Virgin, 1978

[10] Idem.

[11] Brian Eno en entrevue, 1978.

[12] Eno B., Brian Eno Journal : Une année aux appendices gonflés, p.471

[13] Idem.

[14] Eno B., Brian Eno: une année aux appendices gonflés, p.473

[15] Ibid. p.415

[16] Quelques exemples sont fournis à la fin de ce texte en guise d’exemple. (voir l’annexe II)

[17] Une liste des collaborations est fournie en annexe à la fin de ce texte. (voir l’annexe I)