Université de Montréal

Faculté de musique

Analyse de la chanson

'Dear God', du groupe XTC

par

Nicolas Masino

Travail présenté à M. Philip Tagg

dans le cadre du séminaire

d'Analyse de la musique populaire, MUL 6250

le 17 avril 2003


            XTC: 'Dear God'                                  

Heavy stateside reaction to the import B-side version of this non-LP track (especially on   KROQ, 91X and WLIR, where it has lit up request lines) has Geffen releasing this 12" and re-releasing the Skylarking LP to include it. "Dear God" is a moving, child-like plea for God to  prove its existence and clean up the world's mess, done in XTC's increasingly catchy Beatlesque (circa the white album) pop style. The clincher is having a child sing the opening verse and the closing words. Should be a hit on college, AOR and eventually CHR. The 12" also contains two LP tracks ("Earn Enough For Us" and "Grass") as well as the funky, non-LP bonus track "Extrovert."                                              

            (CMJ New Music Report Issue: 112 - Feb 27, 1987)

Table des matières

Avant-propos                                                                           p. 4

Considérations d'ordre général sur 'Dear God'                             p. 6

XTC, un bref historique                                                  p. 9

Considérations formelles sur 'Dear God'                          p. 11

Considérations harmoniques                                                     p. 16

Les paroles et les intentions de 'Dear God'                                 p. 20

Les éléments de comparaison inter-objective                              p. 23

Notes sur la transcription                                                          p. 25

Conclusions                                                                            p. 26

Bibliographie                                                                            p. 27

Épilogue                                                                                  p. 28

Annexes                                                                                 p. 29

            - liste des pièces apparaissant sur le disque

            - commentaires de fans sur 'Dear God'

            - correspondance avec le newsgroup «alt.music.xtc»

            - transcription de la pièce


Avant-propos

            En choisissant pour réaliser le présent travail une pièce du groupe XTC datant du milieu des années quatre-vingt, nous ne pouvions nous douter que son sujet s'avérerait en cours de route d'une pertinence aussi grande par rapport aux grands développements internationaux. En effet, alors que les États-Unis estiment qu'ils n'ont plus besoin de l'appui explicite des Nations-Unies pour dicter leur loi partout dans le monde, les références à Dieu n'ont jamais semblé aussi présentes et explicites dans les discours du Président américain.

            L'étude du rapport de l'homme à la divinité est un sujet éternel, qui contribue encore aujourd'hui à façonner le monde où nous vivons. Des conflits entre catholiques et protestants en Irlande du Nord aux affrontements entre hindous et musulmans en Inde, en passant par la cohabitation impossible des juifs et des arabes en Terre sainte, la religion représente souvent l'aspect sous lequel l'être humain est le plus farouchement attaché à ses convictions, et celui sous lequel il est le moins susceptible de tolérer d'autres conceptions que la sienne propre.

            Dans 'Dear God', l'auteur-compositeur Andy Partridge tente d'expliquer la réflexion par laquelle il en est venu à rejeter la croyance religieuse traditionnelle. Il s'agit d'une chanson «à thèse», dont le propos est volontairement polémique. Elle prend la forme d'une lettre écrite à Dieu, dans laquelle l'auteur explique à son destinataire les raisons pour lesquelles il en vient à le rejeter.

            Outre l'ironie implicite d'une situation dans laquelle on écrit à quelqu'un pour lui dire qu'on ne croit pas à son existence, la pièce présente plusieurs points d'intérêt. D'abord, la première strophe et les toutes dernières paroles de la chanson sont chantées par un enfant, ce qui permet un réseau d'associations particulier: s'agit-il d'un flashback par lequel l'auteur veut nous faire comprendre que son doute métaphysique remonte à sa propre enfance? Cette voix juvénile ne sert-elle que de métaphore représentant l'innocence? Sur le plan purement musical, la pièce oscille entre trois styles distincts: la chanson «à texte» typique, pour voix solo et guitare acoustique, la chanson populaire «à la Beatles» avec ses arrangements de cordes et ses progressions harmoniques sophistiquées, et la chanson rock plus agressive, à quatre temps accentués.

            Malgré la coexistence de ces styles distincts, et en dépit du pari ambitieux que représente le fait de vouloir traiter d'un sujet aussi complexe que la croyance religieuse dans un format aussi limitatif que la chanson populaire, nous sommes d'avis que 'Dear God' représente un exemple particulièrement réussi de chanson rock. Nous croyons qu'il existe un subtil et complexe jeu d'associations, de références et de corrélations par lesquelles le texte et la musique se soutiennent et se renforcent mutuellement. Nous croyons aussi que la pièce compte plusieurs niveaux de lecture distincts, et que si certains aspects de son message sont d'une grande lisibilité, d'autres par contre s'adressent à un auditeur beaucoup plus érudit.

            Bien que l'on puisse être d'accord ou non avec la thèse soutenant son texte, il semble que 'Dear God' fasse preuve, en dépit de son apparente simplicité formelle, d'une grande maîtrise technique quant à son écriture et sa production. Dans les pages qui suivent, nous tenterons de cerner les mécanismes grâce auxquels les différentes composantes de l'oeuvre interagissent les unes avec les autres, et enfin comment la chanson elle-même dépasse la somme de ses parties.


Considérations d'ordre général sur 'Dear God'

            Cette chanson occupe une place absolument unique dans le répertoire de XTC pour deux raisons principales: d'une part, il s'agit du plus grand succès commercial du groupe, et par ailleurs il s'agit d'une chanson qui a bien failli ne jamais être mise en marché. En effet, le producteur Todd Rundgren ayant jugé qu'elle s'intégrait mal au concept global qu'il voulait donner à Skylarking, la chanson ne figurait pas sur le pressage britannique original de l'album. Elle fut donc utilisée comme face B d'un 45 tours, et c'est à ce titre qu'elle connut un tel succès sur les radios étudiantes américaines que la compagnie Virgin décida de l'inclure dans la version nord-américaine de l'album.

            L'album tout entier, moins poli sans doute que ses prédécesseurs, n'a qu'un véritable défaut (dans

                sa version européenne): celui d'ignorer «Dear God», l'une des compositions les plus frappantes de       Partridge, que son auteur, Rundgren et Virgin choisissent de réléguer en face B de «Grass» avant             que cette chanson, une «lettre à Dieu» pleine de défiance et de colère, ne devienne l'un des titres

                les plus joués par les radios des universités américaines en 1986, et ne soit ajoutée en catastrophe     au pressage américain de l'album aux dépens de «Mermaid Smiled».[1]

            Cette anecdote nous semble particulièrement intéressante en ce sens qu'elle traduit bien les rapports ambigüs et conflictuels qui existent à cette époque entre XTC et l'industrie de la musique populaire. Dans les années '80, le groupe produit une musique de plus en plus sophistiquée, mais leurs ventes sont décevantes et les compagnies Virgin et Geffen commencent à désespérer de ces albums qui coûtent de plus en plus cher, pour un groupe qui n'a pas connu de réel succès commercial depuis Drums and Wires, en 1979, et sa célèbre chanson 'Making Plans for Nigel'.

            De toute évidence, Skylarking n'est pas l'album que Virgin comptait produire. «They wanted a slick, hard, American rock album; the quote was 'Can you make it somewhere between ZZ Top and The Police?'»[2], se souviendra Andy Partridge. De toute évidence, Skylarking ne se situe pas entre les groupes précités, et on peut aujourd'hui s'interroger sur la santé mentale des responsables du marketing qui désiraient faire sonner XTC de la sorte. De façon plus intéressante, on peut aussi postuler sur le fait qu'il n'existait pas à l'époque de créneau de diffusion commerciale pour un groupe qui, tel XTC, cherchait à produire de la musique sophistiquée, aux arrangements complexes et dont les paroles soient plus abstraites ou polémiques que ce qui était généralement destiné au marché des adolescents occidentaux. Le succès leur viendra de la radio étudiante américaine, c'est-à-dire un des média de diffusion le plus indépendants par rapport à l'industrie du disque, et l'un des moins affectés par ses campagnes promotionnelles. On peut dire que lorsque XTC connaîtra un certain succès, ce ne sera pas grâce à leur compagnie de disques, mais presque malgré elle.

            De plus, l'album se démarque en ce sens qu'il est le résultat d'une collaboration particulièrement houleuse entre l'auteur-compositeur Andy Partridge et le producteur Todd Rundgren. Partridge qualifiera par la suite cette collaboration de façon assez peu équivoque:

            It was like one bunker with two Hitlers in it. Two people wanting to deliver the baby, one wanting to

                do it one way and one wanting to do it another way. I really felt neutered about the whole thing    because he'd been given complete control from the outset... It's obvious that his tastes made

                the album. That's why things like 'Terrorism' didn't get on it. [...] He kind of went for the songs

                that were his own nature, his own melodic nature. I think that's only one side of us.[3]

           

            De prime abord, il peut sembler surprenant qu'un album aussi cohérent et raffiné que Skylarking ait pu voir le jour dans des conditions aussi difficiles. Néanmoins, on a peut-être tendance à sous-estimer l'importance de la compétitivité dans plusieurs des grandes réalisations de la musique populaire, surtout dans la musique rock. On pense bien sûr aux relations souvent problématiques entre Lennon et McCartney, mais aussi aux rapports houleux entre Sting, Andy Summers et Stewart Copeland au sein des Police. Il semble, dans ces derniers cas, que non seulement la confrontation n'ait pas été un frein à la production d'albums destinés à devenir des classiques, mais de plus qu'elle ait servi d'incitatif constant pour chaque musicien à se surpasser, peut-être dans l'espoir secret de faire passer ses acolytes pour des imbéciles.

            Bref, il n'y a pas lieu de croire que l'échec que représentent les sessions de Skylarking sur le plan des relations humaines ait déteint au niveau de la qualité musicale de l'album, bien au contraire: «Quoiqu'il en soit, Skylarking est peut-être le plus bel objet - le plus émouvant, sans l'ombre d'un doute - qui soit jamais sorti du laboratoire de XTC. Rundgren, arrangeur de grand talent, métamorphose le son du groupe en l'enrichissant de textures orchestrales inusitées.»[4]  Mais pour véritablement saisir l'importance de l'apport de Rundgren à Skylarking, et donc à 'Dear God', il est important de faire une courte historique de XTC, pour tenter de cerner les principales périodes de l'évolution esthétique et musicale du groupe jusqu'en 1986.


XTC, un bref historique

            Alors que les forces vives du rock britannique de 1968 à 1976 vont des Beatles vers les Sex Pistols, l'évolution de XTC entre 1977 et 1986 est très particulière en ce sens qu'elle effectue le mouvement inverse: si les deux premiers albums, White Music (1978) et Go2 (1978) sont ceux où l'influence nihilistico-frénético-punky est la plus évidente, le groupe abandonnera rapidement cette veine pour réaliser par la suite des pièces plus ambitieuses au niveau de la production, et moins hystériques quant à leur caractère. L'album Drums And Wires (1979) marque sans doute une charnière dans l'évolution du groupe, se situant à mi-chemin entre l'énergie encore adolescente des premiers albums et l'originalité mélodique des projets à venir.

            Un élément dont l'importance ne doit pas être sous-estimée intervient entre Go2 et Drums And Wires : il s'agit du départ du claviériste Barry Andrews, dont le jeu empli de clusters et de glissandi contribuait beaucoup au caractère anarchiste et débridé du groupe, remplacé par le guitariste Dave Gregory, dont Philippe Auclair nous apprend qu'il est le «seul membre de XTC qui sache lire correctement la musique, ce qui lui permettra de faire office d'arrangeur maison lorsque le groupe utilisera cordes et cuivres dans ses albums plus tardifs.»[5] De plus, Auclair rajoute qu'il «passe des semaines entières dans son studio personnel à recréer note pour note les chansons qui l'ont le plus marqué - 'Strawberry Fields Forever' et 'I Am The Walrus' des Beatles, et 'Purple Haze' de Jimi Hendrix»...[6] 

            L'album Black Sea (1980) représente le dernier à être conçu de sorte à pouvoir être reproduit sur scène: Andy Partridge, souffrant de crises de trac frôlant l'angoisse, décide en 1981 de cesser de se produire en spectacle. English Settlement, paru en 1982, marque donc une nouvelle ère pour le groupe, dont le travail ne s'effectuera plus dorénavant qu'en studio. Comme cela avait été le cas 17 ans plus tôt avec les Beatles, cette décision va profondément marquer le caractère des pièces à venir: il ne s'agit plus d'écrire pour un groupe de rock, mais bien de faire appel à toutes les ressources rendues accessibles par le studio d'enregistrement pour explorer les possibilités sonores potentielles des compositions.

            Les conséquences de cette décision («catastrophique» selon Auclair) se feront sentir à plusieurs niveaux: tout d'abord elle précipite le départ du batteur Terry Chambers, qui ne sera pas remplacé. Depuis ce jour, XTC travaille avec des «batteurs invités» (sur 'Dear God' il s'agit de Prairie Prince, du groupe The Tubes) ou avec des batteries électroniques. Par ailleurs, il semble que cette décision ait contribué à créer une certaine fracture entre le groupe et son public, et que les ventes d'albums en aient souffert. Finalement, le perfectionnisme légendaire de Partridge et l'éternel désir de Virgin Records de créer un hit les amèneront parfois à réaliser des albums dont on a dit qu'ils étaient surproduits et qu'ils manquaient de spontanéité. C'est le cas notamment de Mummer (1983), sur lequel trois producteurs différents ont travaillé et dont les ventes ont été désastreuses, et The Big Express (1984), qui ne sera guère plus populaire.

            Ceci nous amène à comprendre davantage le contexte dans lequel XTC et Virgin Records ont fait appel pour Skylarking aux services de Todd Rundgren, qualifié par Patrick Chompré de musicien «passionné des Beatles de la période psychédélique», «réputé avant tout pour son choix d'harmonies particulières, son goût de la production et le soin minutieux apporté à l'arrangement des voix»[7]. Pour confirmer le passage du groupe vers une esthétique sonore et timbrale toujours plus proche de celle des Beatles, il leur fallait un producteur capable de jouer le rôle d'un George Martin. En ce sens, sa contribution à 'Dear God' sera déterminante.


Considérations formelles sur 'Dear God'

            Remarquons tout d'abord que la pièce n'est pas conçue selon la traditionnelle alternance de couplets et de refrains, mais plutôt selon ce que l'on pourrait qualifier de «forme strophique». Seul le dernier vers de chaque strophe (Can't believe in you) fait office de refrain. Après une introduction d'accords de guitare de quatre mesures, la 1ère strophe, chantée par une voix d'enfant, couvre les mesures 5 à 16. Remarquons tout de suite que, bien que chaque strophe soit construite sur une forme à 12 mesures, elle n'en est pas pour autant basée sur le pattern de blues.

            La deuxième strophe va des mesures 17 à 28. Elle est chantée par Andy Partridge, accompagné par le groupe au complet. Cette strophe est suivie d'une nouvelle section couvrant les mesures 29 à 42, et dont l'appellation nous a posé un problème: cette section n'apparaissant qu'une seule fois dans la pièce, nous ne saurions la qualifier de couplet ou de refrain. Par analogie à la musique «classique», il s'agit de ce que l'on pourrait qualifier «d'épisode», mais que l'on nomme plus généralement bridge dans le cas de la musique populaire. Ce terme se traduit très imparfaitement par «pont» en français, puisqu'un «pont» joue d'ordinaire un rôle transitoire entre deux sections, plutôt que d'être un élément autonome sur le plan formel. Nous avons donc opté pour la terminologie anglo-saxonne, et avons qualifié cette section de Bridge 1.

            La pièce se poursuit avec sa partie instrumentale, c'est-à-dire la section comprise entre les mesures 43 et 48. La troisième strophe commence immédiatement après, et sa fin diffère des deux premières, comme en témoignent les mesures 59 à 62. Ceci nous amène au second bridge de la pièce, dont le caractère contraste résolument non seulement avec le premier bridge, mais avec tout le reste de la chanson. Cette nouvelle section se termine à la mesure 76, alors que la voix d'enfant initiale vient clore la pièce avec une coda de 4 mesures.


Représentation graphique de la forme de la pièce:

section             mesures                       remarques

Intro.                            1 à 4                            guitare acoustique solo

1ère strophe                 5 à 16                          voix d'enfant + g. acoustique

2ème strophe                17 à 28             voix adulte + groupe

Bridge 1                       29 à 42             modulation en do majeur, son de basse différent

Instrumental                  43 à 48             arrangé pour ensemble à cordes

3ème strophe                49 à 62             cordes en arrière-plan

Bridge 2                       63 à 76             modulation en ré mineur; accentuation des 4 temps

Coda                            77 à 80             voix d'enfant + g. acoustique

Harmoniquement, chaque strophe s'articule autour de trois éléments distincts:

            - la progression en la mineur: Am - F MA7 - Am/G - F#m7b5       mes. 5 - 6

            - la progression en do majeur: C - C/G# - C/D - C/F#                   mes. 7 - 10

            - la descente vers la cadence: D - D/C - Bb - E                           mes. 11 - 12

            Dans chaque strophe, on retrouve une fois le premier élément, deux fois le deuxième, une fois le troisième, et deux fois le premier pour finir (mesures 5 à 16). Ceci établit une structure sur douze mesures, subdivisée en 2 + 4 + 2 + 4 mesures.

            Par contre, la mélodie ne suit pas ce découpage formel. En prenant pour exemple la première strophe, on retrouve tout d'abord un élément de 2 1/2 mesures, couvrant les deux premiers vers (Dear God, hope you got the letter and / I pray you can make it better down here ). Ainsi, les mesures 6 et 7 constituent une reprise avec extension de la mesure 5. Le motif mélodique suivant débute en anacrouse, sur le 4e temps de la mesure 7, pour se terminer au 2e temps de la mesure 9 (I don't mean a big reduction in the price of beer ). Ce motif de deux mesures est lui-même repris et allongé d'un temps, pour aller du 4e temps de la mesure 9 au 3e temps de la mesure 11 (But all the people that you made in your image / See them starving on their feet ). On enchaîne ensuite avec un élément de 3 mesures, allant du 4e temps de la mesure 11 au 2e temps de la mesure 14 ('Cause they don't get enough to eat / From God ). La strophe se termine avec un dernier élément (Can't believe in you ) qui se démarque des précédents en commençant sur un temps fort, le 3e temps de la mesure 14.

            Si cette description du découpage mélodique de la première strophe peut sembler fastidieuse, elle nous semblait cependant intéressante dans le mesure où elle permet de faire les constatations suivantes. Premièrement, il existe une grande logique de répétition et de variation dans l'enchaînement de ces fragments mélodiques: les mesures 6 et 7 sont une reprise allongée de la mesure 5 (I pray correspond à Dear God, et par ailleurs better rime avec letter ). Les mesures 10 et 11 sont elles-mêmes une reprise allongée de la mesure 9. Là où Partridge fait preuve d'une grande aisance d'écriture, c'est dans sa façon de réutiliser l'extension de la mesure 11 (See them starving on their feet ) comme début de l'élément suivant, aux mesures 12 et 13 (Cause they don't get enough to eat... ), si bien que l'on ne sait plus trop si cette mesure 11 est la fin de ce qui précède, ou l'amorce de ce qui suit. En résumé, ces fragments mélodiques s'enchaînent avec une grande fluidité et un grand sens du naturel, en raison du principe de répétition et variation qu'utilise le compositeur. De plus, les fragments mélodiques font preuve d'une grande variété quant à leur découpage rythmique: si les premiers commencent sur la deuxième croche de la mesure, les éléments suivants commencent avec une anacrouse, et l'élément final débute sur le troisième temps.

            De plus, il est frappant de constater que cette structure mélodique, subdivisible de la façon suivante: 2 1/2 + 2 + 2 + 2 + 1 1/2 + 1 (le 1 final correspondant au silence de la mesure 16) ne correspond pas du tout au découpage en 2 + 4 + 2 + 4 que nous avions observé au niveau de l'harmonie. Il existe donc un décalage entre les divisions de la mélodie et de l'harmonie, chacun de ces deux éléments obéissant à sa structure propre. Ceci contribue sans doute à la fluidité de la pièce, puisque les articulations de ces deux paramètres ne coïncident pas à l'intérieur d'une strophe donnée.

            Par ailleurs, le fait que la strophe commence et finisse avec la même progression harmonique permet à Partridge/Rundgren certaines élisions particulièrement intéressantes. Ainsi la section instrumentale des mesures 43 à 48 commence directement sur l'accord de do majeur, «sautant» ainsi deux mesures dans la forme. Ceci est possible du fait que la strophe précédente se termine avec les mêmes accords que ceux du début, si bien que l'entrée des violons se fait en chevauchement avec la voix, aux mesures 41 - 42. Ces deux dernières mesures constituent donc à la fois la fin du bridge 1 (And the devil too ), et le début du passage instrumental. De même, lorsque la séquence d'accords en la mineur revient à la mesure 49, la voix en profite pour entamer la 3ème strophe, ce qui crée un nouveau chevauchement. Ceci permet de contenir toute la section instrumentale dans un espace de six mesures, alors qu'on y retrouve une progression harmonique qui sous-tend habituellement une strophe de douze mesures. On peut donc y voir un exemple extrêmement intéressant de contraction de la forme, qui amène beaucoup de dynamisme à l'ensemble. En effet, nous serions portés à croire que le fait d'étirer cet épisode des violons sur douze mesures aurait peut-être créé une certaine longueur au milieu de la pièce, ce que Partridge évite ici fort habilement.

            Le premier bridge de la pièce nous donne un bon exemple de la façon dont le compositeur peut y introduire des éléments contrastants, pour par la suire revenir progressivement en terrain connu. Le bridge s'ouvre par une phrase de 4 mesures, passant harmoniquement de C/F à C (mesures 29 à 32). Il reprend ensuite les deux premières mesures en C/F (33 - 34), mais les fait plutôt aboutir à une transition de 4 mesures dont la basse en descente chromatique nous ramène dans le ton principal de la mineur (ré - do# - do - si, mesures 35 à 38). Ce bridge finit par la phrase And the devil too, énoncée sur la même descente mélodique qui jouait auparavant le rôle de «refrain» (Can't believe in you ). On voit donc qu'une modulation au ton relatif, accompagné d'un changement notable dans le caractère de la pièce à la mesure 29 (changement accentué par le son de la basse, très différent à cet endroit), revient non seulement assez habilement au ton principal par un procédé de chromatisme descendant, mais s'achèvera de plus par une reprise de la phrase mélodique finale de chaque strophe. Ceci crée un lien de continuité entre le bridge 1 et les strophes, alors que la section avait, de prime abord, un caractère contrastant. Nous verrons plus loin, en étudiant les paroles, le sens que l'on peut donner au mouvement harmonique de cette section.

            Un autre exemple de répétition et de chevauchement intervient aux mesures 58 à 63, sur l'élément final de la strophe, le Can't believe in you faisant généralement office de refrain. Partridge en prélève tout d'abord le you final, laissant la phrase inachevée (mesure 58). Il reprend ensuite le même élément atrophié, en changeant le mot initial (Don't believe in, mesure 60). Ensuite, par l'adjonction d'une mesure à 2/4, il transforme le troisième temps sur lequel apparaissait cet élément en premier temps de la mesure 63, pour amorcer le bridge 2 qui, sur le plan mélodique, sera entièrement basé sur cette descente de sol vers ré qui caractérisait le motif précédent. Le you manquant aux mesures 59 et 61 n'arrivera qu'après la fin de ce bridge 2, à la mesure 77. Comme pour compenser pour cette immense parenthèse insérée en plein milieu de sa phrase, Partridge donne à ce you  final une importance considérable, le laissant résonner pendant deux mesures et demie.

            Si certains des enchaînements formels de la pièce procèdent selon une logique de chevauchement, par ailleurs d'autres éléments soulignent clairement les articulations principales de la chanson. Cette fonction est particulièrement évidente dans le jeu de la batterie, dont les interventions les plus notables constituent des «marqueurs épisodiques» forts dans la pièce. Ces marqueurs peuvent être plus évidents, comme aux mesures 16 ou 56, plus discrets, comme à la mesure 28, ou très subtils, comme dans le cas du high hat ouvert à la fin de la mesure 46. L'intervention de la batterie, dans tous ces cas, est d'autant plus évidente que l'articulation soulignée est forte dans la pièce. Par ailleurs, certaines sections sont caractérisées par la présence d'un press roll sur le 4ème temps de la mesure, alors que d'autres parties ne l'emploient pas. On peut donc en conclure que le rôle de la percussion ici est principalement de souligner le découpage formel de la chanson.

            On peut retenir de cette étude de la forme de 'Dear God' qu'elle dénote un sens rigoureux de l'équilibre et de l'économie des moyens. En effet, les 80 mesures de l'oeuvre se divisent en 42 + 38 mesures, chaque moitié étant constituée d'éléments pour lesquels il existe dans l'autre moitié de la pièce une correspondance symétrique: les 4 mesures d'introduction correspondent à la coda de 4 mesures, et chacune des deux moitiés de l'oeuvre comprend deux strophes et un bridge de caractère contrastant. La voix d'enfant de la toute fin rappelle la première strophe, et ce souci de symétrie se retrouve à l'intérieur même de la progression harmonique de chaque strophe, alors que les accords en la mineur se retrouvent au début ainsi qu'à la fin de chaque section. Les quatre mesures de guitare acoustique débutant la chanson correspondent aux 6 mesures de violon amorçant la seconde moitié de l'oeuvre, et la longueur des deux bridge est rigoureusement identique, soit 14 mesures. De plus, l'enchaînement des deux moitiés se fait de façon presqu'imperceptible, en raison du double rôle des mesures 41 - 42, qui servent à la fois de conclusion au bridge 1 et d'amorce à la section instrumentale.


Considérations harmoniques

            Une des caractéristiques les plus aisément identifiables de 'Dear God' est exposée dès son introduction à la guitare acoustique: il s'agit de cette «relation problématique» qui se crée entre une harmonie statique (la mineur) et une basse mobile (la - fa - sol - fa#). La tension entre ces deux éléments sera accentuée davantage à partir de la mesure 7, alors que la basse jouera successivement les notes sol#, ré et fa# alors que l'harmonie s'obstine à répéter un accord de do majeur!

            Remarquons d'abord que cette pratique correspond à une inversion du principe de la pédale harmonique, dans laquelle les accords changent sur une basse fixe. Dans les deux cas, cependant, l'oreille «accepte» l'élément conflictuel puisqu'il a déjà été exposé antérieurement sous forme de consonance. On peut aussi constater que Partridge commence par énoncer une version relativement consonante de son procédé harmonique, c'est-à-dire les mesures 1 et 2, avant d'en livrer une extrapolation plus corsée (mesures 7 et 8). De plus, dans le cas des mesures 7 et 8, l'harmonie semble dérivée du mode de do majeur, alors que la basse (do - sol# - ré - fa#) utilise des notes issues du mode de la mineur mélodique. Ce concept de bitonalité entre l'harmonie et la basse se retrouvera également dans le premier bridge, avec l'utilisation de l'accord de do majeur sur basse de fa (mes. 29 - 30 et 33 - 34). Il est difficile ici de ne pas évoquer un commentaire de Patrick Chompré sur l'album Something - Anything, de Todd Rundgren, paru en 1972:

                Enfin, c'est ici, comme dans le titre «Torch Song», que l'auteur expérimente un système d'accords          complexes avec basses décalées, qui a pour effet de faire basculer la tonalité musicale et disparaître les repères habituels du genre. Ce choix d'harmonies particulières sera développé tout au long de la          carrière du musicien qui avoue désormais les influences de Claude Debussy, Darius Milhaud, Leonard Bernstein et surtout Maurice Ravel.[8]

            Il est remarquable de constater que cette citation, qui semble si bien décrire quelques unes des mesures de 'Dear God', qualifie en fait la musique de Rundgren, alors que 'Dear God' est incontestablement une composition d'Andy Partridge. Comment peut-on expliquer cette situation? Tout d'abord, il faut admettre que si Rundgren a été choisi pour produire un album de XTC, c'est qu'au départ il devait y avoir des affinités dans leur travail respectif. Mais une autre théorie mérite d'être étudiée: il semble que Dave Gregory, le guitariste qui a joint XTC après le départ du claviériste Barry Andrews, ait éprouvé un profond respect pour le travail de Rundgren, au point où Auclair ait qualifié ce dernier de «héros de Dave Gregory»[9]. Il semblerait donc probable que Gregory, dont l'esprit de faussaire l'avait poussé à réenregistrer note par note certaines pièces des Beatles, ait également repiqué certaines pièces de Rundgren, et qu'il ait par la suite fait part de ses découvertes à Partridge. Quoiqu'il en soit, il semble bien que ces procédés de «dérapage» entre la basse et l'harmonie aient été connus à la fois par le producteur et le compositeur de 'Dear God', et que la pièce en fasse un usage significatif.

            Par ailleurs, la progression harmonique des deux premières mesures (Am - F MA7 - Am/G - F#m7b5) est intéressante en ce sens qu'elle réutilise des éléments déjà entendus en musique rock, mais en les réarrangeant de façon nouvelle. En général, lorsque les notes la, sol, fa# et fa sont employées à la basse, elles se suivent par ordre descendant, de sorte à ce que le fa# soit plus ou moins perçu comme une note de passage entre le sol et le fa. Ainsi, 'While My Guitar Gently Weeps', des Beatles, commence par les accords suivants: Am - Am/G - D/F# - F - Am, et cette séquence harmonique fait évoluer la basse de façon beaucoup plus usuelle, voire prévisible. Dans 'Dear God', tout se déroule comme si Partridge a déplacé l'élément final de la progression (la note fa), pour le replacer entre le premier et le deuxième élément, c'est-à-dire entre le la et le sol. Ceci laisse la progression s'achever sur une basse de fa#, qui devait en principe servir de note de passage entre le sol et le fa. Pourrait-on suggérer que, par rapport à une ligne plus conjointe qui ferait la - sol - fa# - fa, celle de Partridge dégage une impression d'incertitude qui correspond admirablement au climat recherché par l'auteur?

            Dans un remarquable article portant sur l'utilisation de «l'harmonie éolienne», c'est-à-dire dérivée du mode mineur naturel, le musicologue Alf Björnberg a décrit et analysé l'utilisation de progressions harmoniques cycliques semblables à celles que l'on retrouve dans 'Dear God'. Après avoir étudié le propos des paroles des chansons utilisant ce genre de motif, il en vient à la conclusion suivante:

                Altogether these lyrics define a field of associations which might be characterized by keywords such       as 'vast stretches of time and space', 'stasis', 'uncertainty', 'coldness', 'grief' and 'modernness'.                 These keywords could consequently be used to describe the affective meaning of aeolian     harmony.[10]

            Nous aurons plus loin l'occasion de traiter plus en détail des paroles de la chanson et des intentions qu'elle véhicule, mais remarquons pour l'instant que les notions d'incertitude, de froideur et de chagrin évoquées par Björnberg s'appliquent directement à notre objet d'étude. On pourrait rajouter que 'Dear God' se veut également l'expression du doute et de la désillusion, mais ces concepts sont eux-mêmes très proches de ceux décrits par Björnberg comme étant associés aux progressions harmoniques éoliennes.

            Si la progression Am - F MA7 - Am/G - F#m7b5 évoque assez fidèlement ce que Philip Tagg appelle un «pendule éolien»[11], cette idée d'oscillation entre les premier et sixième degrés de la tonalité, très présente dans la célèbre Marche funèbre de Chopin, se retrouve de façon plus explicite encore à partir de la mesure 63, pour le second bridge de la pièce. L'harmonie oscille d'abord entre les accords de ré mineur et si bémol majeur, c'est-à-dire les degrés i et VI en ré mineur. Le «pendule éolien» élargit ensuite son oscillation à la mesure 67, pour inclure l'accord de sol majeur. Ceci peut sembler étonnant si l'on considère que le quatrième degré du ton de ré mineur devrait être un accord de sol mineur,  mais le choix d'un accord de sol majeur prend son sens si l'on juxtapose un second pendule au premier: au balancement Dm - Bb - G - Bb de l'harmonie correspond une ligne mélodique chromatique implicite très forte: la - si bémol - si bécarre - si bémol, qui accentue le caractère cyclique de la progression. Les violons joueront d'ailleurs quelque chose de semblable aux mesures 73 à 75. Seule l'arrivée d'un accord de dominante à la mesure 76 permet à la fois de briser le cycle du pendule éolien et de marquer la fin du second bridge, en préparant l'arrivée de la coda qui suit immédiatement.

            Deux autres aspects de l'utilisation de l'harmonie dans 'Dear God' nous semblent également dignes de mention: il s'agit de procédés empruntés à l'harmonie «classique», et dont l'emploi nous semble relativement rare en musique populaire: il s'agit premièrement de l'utilisation de l'accord napolitain dans la progression cadentielle présente à la fin de chaque strophe (Bb - E - Am, par exemple aux mesures 12 et 13), et ensuite de l'emploi de la tierce de Picardie à la toute fin de la chanson, qui se termine sur un accord de ré majeur alors que toute la pièce est en mode mineur. Si ces deux procédés semblent témoigner à la fois d'une volonté de «sophistication classique» et de «raffinement désuet», la tierce de Picardie en fin de pièce est particulièrement intéressante dans la mesure où elle permet une double lecture de la fin de la chanson. Au premier niveau, la tierce de Picardie offre un exemple de happy end, comme si l'auteur de la pièce est libéré d'une grande angoisse après une douloureuse confession de son doute métaphysique. À un second niveau, cette même tierce de Picardie permet une interprétation ironique du phénomène religieux: si on perçoit la tierce de Picardie comme un happy end factice et sans rapport avec la réalité musicale la précédant, alors, par association, Dieu lui-même peut, dans le contexte de la chanson, être perçu comme représentant un bonheur factice et sans rapport avec la réalité des hommes.[12] Cette fin ouverte ne constitue pas la moindre des trouvailles d'une chanson qui en compte pourtant plusieurs...

            Sur le plan de la «sophistication classique» et du «raffinement désuet», faisons finalement remarquer au lecteur que l'entrée des violons à la mesure 41 se juxtapose à la première allusion au diable dans la pièce (And the devil too), comme si l'allusion au diable suffisait à faire surgir les violons du néant. Or, il s'avère que ces violons énoncent d'abord un la, auquel se superpose ensuite un mi bémol. Est-il nécessaire de rappeler ici que l'intervalle du triton fut jadis considéré comme le Diabolus in musica ?


Les paroles et les intentions de 'Dear God'

Dear God  (A. Partridge)

Dear God, hope you got the letter and...

I pray you can make it better down here

I don't mean a big reduction in the price of beer

But all the people that you made in your image

See them starving on their feet

'Cause they don't get enough to eat from

God

I can't believe in you

Dear God, sorry to disturb you but...

I feel that I should be heard loud and clear

We all need a big reduction in amount of tears

And all the people that you made in your image

See them fighting in the street

'Cause they can't make opinions meet about

God

I can't believe in you

Did you make disease and the diamond blue?

Did you make mankind after we made you?

And the devil too!

Dear God, don't know if you've noticed but

Your name is on a lot of quotes in this book

And us crazy humans wrote it, you should take a look

And all the people that you made in your image

Still believe that junk is true

Well I know it ain't and so do you, dear God

I can't believe in

I don't believe in

I won't believe in heaven and hell

No saints, no sinners, no devil as well

No pearly gates, no thorny crown

You're always letting us humans down

The wars you bring, the babes you drown

Those lost at sea and never found

And it's the same the whole world 'round

The hurt I see helps to compound

That Father, Son and Holy Ghost

Is just somebody's unholy hoax

And if you're up there you'd perceive

That my heart's here upon my sleeve

If there's one thing I don't believe in

It's you

Dear God


            Dès le début de la pièce, la présence de la voix d'enfant vient questionner l'auditeur à plusieurs niveaux. De prime abord, on peut y voir une métaphore facile de l'innocence, comme si le questionnement métaphysique qui sous-tend la pièce ne cherche pas à être présenté comme étant nihiliste ou de mauvaise foi, mais au contraire comme témoignant d'une authentique volonté de compréhension des injustices du monde. La ligne I don't mean a big reduction in the price of beer prend une connotation particulière dans la bouche d'un enfant. Pourquoi un enfant s'inquièterait-il du prix de la bière? Son père est-il alcoolique? L'auditeur se surprend à greffer au texte un réseau de connotations qui n'apparaissent nulle part dans les paroles elles-mêmes, par la simple interprétation du texte par une voix juvénile.

            L'arrivée de la voix d'Andy Partridge pour la deuxième strophe donne un genre «d'explication rétrospective» à la voix d'enfant: peut-être s'agissait-il d'un flashback, et Partridge cherche-t-il à nous faire comprendre que la révolte qui sous-tend 'Dear God' n'est pas une chose récente pour lui, mais qu'elle remonte au contraire à sa propre enfance. Il est frappant de remarquer que l'association des mots tears et de la voix adulte vient compléter par son contraire l'association précédente de la bière avec la voix d'enfant. On associe en général les larmes aux enfants et la bière aux adultes, mais Partridge obtient un effet beaucoup plus intéressant (et une multiplicité de niveaux de lecture) en associant à l'inverse la bière à la voix d'enfant, et les larmes aux adultes.

            Le premier bridge présente à l'auteur l'occasion de changer de climat dans la pièce, ce qui se traduit autant au niveau des paroles qu'à celui de la musique. Au niveau du texte, l'emploi de la forme interrogative peut représenter de la part de l'auteur une disposition mi-complaisante, mi-ironique. Cette intention est précisée davantage par la musique, qui module en do majeur et présente à la basse un mouvement plagal très simple. Les notes de la triade de do majeur, perçues en fonction de la basse de fa, représentent respectivement la quinte, la septième majeure et la neuvième majeure, c'est-à-dire une harmonie que l'on pourrait associer au «bonheur naïf, voire excessif». La connotation implicite semble être de vouloir dire que les gens qui croient que Dieu ait pu créer la Terre (le diamond blue) sont des gens naïfs, vivant dans une assurance tranquille mais factice. Cette interprétation nous semble entièrement plausible, et elle est d'autant plus intéressante qu'elle n'aurait été possible ni à partir du texte seul, ni en nous basant uniquement sur la musique.

            Le second bridge amène un développement crucial dans la pièce. Notons tout d'abord qu'il est annoncé par la répétition tronquée de la phrase faisant office de refrain à la fin de la strophe précédente: I can't believe in / I don't believe in. Le changement d'auxiliaire est important, puisque can't indique une impossibilité, mais laisse sous-entendre que l'auteur n'est pas responsable de son manque de foi, comme s'il disait «j'essaie de croire, mais cela m'est impossible». Le don't believe a un caractère plus objectif, qui ne dénote ni bonne ni mauvaise volonté. Par contre, le won't believe amorçant la section suivante est très significatif dans la mesure où il témoigne plus vraisemblablement d'un choix conscient et délibéré de la part de l'auteur, qui semble alors dire «je choisis de ne pas croire». Cette décision est prise de façon violente, comme en témoigne le caractère de la musique soutenant le second bridge. Alors que le premier véhiculait des connotations de naïveté, ce second bridge évoque davantage la rage ou la colère. Il joue dans la pièce un effet de catharsis, libérant peut-être Partridge de toute la rancune accumulée au fil des ans contre l'aspect conformisant et sectariste de la religion. Cette vision du second bridge comme une catharsis est aussi intéressante dans la mesure où elle éclaire différemment le retour de la voix d'enfant à la fin: après la profession de scepticisme, après avoir violemment rejeté le dogme religieux, l'auteur peut finalement résoudre les paradoxes qui le hantaient depuis son enfance, et retrouver par la fait même un état d'innocence perdue.


Les éléments de comparaison inter-objective

            Après avoir fait écouter 'Dear God' à l'ensemble des participants du séminaire pour lequel ce travail a été rédigé, nous avons pu identifier quelques pièces, albums ou artistes auxquels les répondants ont spontanément associé notre objet d'étude. Nous présenterons donc ces associations dans les lignes qui suivent, en tentant de justifier le parallèle ainsi établi.

            -Led Zeppelin, 'Babe I'm Gonna Leave You': il s'agit d'une pièce en la mineur, avec une intro. de guitare acoustique, dont la progression sur basse descendante évoque un peu celle de 'Dear God'. La pièce de Led Zeppelin procède harmoniquement de la façon suivante: Am - Am/G - D/F# - F - E. Il s'agit donc d'une pièce semblable à 'While My Guitar Gently Weeps' sur le plan harmonique, dans laquelle le fa dièse fait également figure de note de passage entre le sol et le fa bécarre. Cette pièce annonce une rupture, en parlant de la fin prochaine d'une relation.

            -Tears For Fears: groupe populaire dans les années '80, dont la voix du chanteur Roland Orzabal évoque, par son caractère aigü et un peu nasillard, celle d'Andy Partridge. Selon le Dictionnaire du rock, la musique de Tears For Fears «a pourtant de hautes ambitions et cherche, à travers les paroles de ses chansons, à évoquer les traumatismes de l'enfance». On y lit de plus que leurs chansons sont «d'un raffinement mélodique supérieur à la moyenne, et le mélange de mélodies sucrées et de pièces musicales élaborées évoque quelque peu la musique progressive de la fin des années soixante.»[13]

            -Chris DeBurgh, 'Spanish Train': dans cette longue ballade où Dieu et le Diable jouent aux cartes les âmes des défunts, l'auteur fait se succéder plusieurs sections d'instrumentation distincte. On n'entend parfois qu'une guitare espagnole, alors qu'à d'autres moments un groupe rock ou un orchestre à cordes sont également présents.

            -Pink Floyd, The Wall: cette saga partiellement autobiographique de Roger Waters raconte la vie d'un personnage qui s'enferme dans son monde intérieur, pour finalement faire exploser ce mur dans une catharsis finale. Cette référence fonctionne à plusieurs niveaux: premièrement, on entend des voix d'enfants dans la très célèbre 'Another Brick In The Wall, part 2' qui s'insurgent contre les valeurs et l'éducation que la société tente de leur transmettre. De plus, sur la pièce 'Is There Anybody Out There?', la guitare acoustique de David Gilmour entame un motif arpégé très semblable à celui que fait la guitare électrique de Dave Gregory à partir de la mesure 13 de 'Dear God'.

            -The Lovin' Spoonful, 'Summer In The City': l'association se justifie par le profil mélodique et la prosodie remarquablement similaires de ces deux pièces. Les intervalles et le rythme sur lesquels John Sebastian chante Hot town, summer in the city évoquent sans contredit l'air et le rythme de Dear God, hope you get the letter. Par ailleurs, le couplet de cette chanson veut traduire l'inconfort de la canicule, par opposition au refrain qui célèbre la fraîcheur de la nuit.

            -Tom Waits, 'Dirt In The Ground': bien que cette pièce contraste singulièrement avec 'Dear God' quant à l'instrumentation et aux timbres employés (on imagine mal une voix plus différente de la voix d'enfant de 'Dear God' que la voix complètement écorchée de Tom Waits sur cette pièce), nous avons constaté qu'elles présentent tout de même des similarités à certains niveaux. D'abord, la chanson de Tom Waits parle de la mort, mais avec des allusions bibliques (Caïn et Abel). C'est un constat de la faiblesse de la condition humaine qui n'est pas sans rapport avec le tableau dressé par Partridge. De plus, 'Dirt In The Ground' débute par un «pendule éolien», c'est-à-dire une oscillation entre les degrés i et VI du mode mineur évoquant la Marche funèbre de Chopin.

            -Bob Dylan, 'All Along The Watchtower': cette référence est intéressante à plusieurs niveaux; tout d'abord, elle représente un bon exemple de progression éolienne (Am - G - F - E, une progression dont on pourrait se demander si elle ne témoigne pas d'une influence flamenco). La chanson traite de l'inconfort face aux valeurs dominantes de la société (There's too much confusion, I can't get no relief, clame le deuxième vers), propos qui n'est pas étranger à celui de 'Dear God'. Par ailleurs, l'influence de Bob Dylan dans le protest song est absolument incontournable, et elle peut se faire sentir dès la première strophe de 'Dear God'. Le simple fait de débuter une chanson par quelques accords de guitare acoustique auxquels vient s'ajouter une voix solo traduit, dans l'univers de la chanson anglo-saxonne, une influence du courant folk, souvent caractérisé par sa conscientisation politique et ses textes à portée sociale.[14] Si l'influence de Dylan sur XTC se manifeste de façon directe, il existe également une influence indirecte: Dylan a influencé les Beatles quant à la qualité littéraire et la portée sociale de leurs textes, et les Beatles ont à leur tour beaucoup influencé XTC. Finalement, remarquons que White Music, le premier album de XTC, contient une version complètement disjonctée de... 'All Along The Watchtower'!

            -The Beatles, 'Rocky Raccoon': il s'agit, selon une légende difficile à confirmer, de la pièce que Partridge grattait à la guitare au moment où il a trouvé l'idée de 'Dear God'. Incidemment, 'Rocky Raccoon' est une des pièces des Beatles dans laquelle l'influence de Bob Dylan est la plus présente: une simple écoute de 'Blowin' In The Wind' suffit à s'en convaincre.

Notes sur la transcription

            Les inflexions vocales employées dans 'Dear God' posent parfois un problème par rapport au système traditionnel de notation musicale. Il arrive que la hauteur d'une note ne corresponde pas tout-à-fait au système tempéré, et nous croyons que ces cas relèvent d'une stratégie expressive particulière de la part des interprètes. Une hauteur problématique rencontrée se situe entre le ré et le mi bémol, comme par exemple aux mesures 20, 22 et 24. Cette hauteur a été notée soit par un ré surmonté d'une flèche pointant vers le haut, soit par un mi bémol surmonté d'une flèche vers le bas. Nous croyons que son emploi dénote une volonté d'utiliser une inflexion vocale proche de celle du blues, puisque le motif descendant mi bémol - ré - do - la est intimement associé à la gamme dite «mineure blues». Nous croyons qu'il s'agit d'un type d'inflexion vocale qu'utiliserait spontanément tout chanteur ayant été formé aux styles rock, blues ou rhythm'n blues, et qui lui permet d'exprimer un sentiment de complainte ou de lamentation. De plus, ce procédé permet de créer des tensions mélodiques plus riches et plus complexes que celles qui sont engendrées par le respect strict des hauteurs tempérées. Cette idée de «gamme blues» descendante est par ailleurs reprise aux violons, à la mesure 42.

            L'intonation de la voix d'enfant n'est pas toujours parfaite non plus, mais nous sommes d'avis que ceci ne fait que contribuer à l'impression de fragilité, d'innocence et de vulnérabilité que cherche à traduire la première strophe. La note accompagnant le mot beer à la mesure 9, par exemple, a été notée comme un mi, bien que son intonation ne soit pas exacte. La note finale nous a également posé un problème (mesure 80), comme si la voix d'enfant cherchait à atteindre le la grave, mais sans y parvenir. Nous avons donc indiqué la mention«parlé» au-dessus de la portée, en l'absence d'une hauteur clairement identifiable à cet endroit.

            Il est possible que les violons aient été doublés par des altos, surtout pour les lignes plus graves. De façon similaire, les violoncelles ont soit été doublés par un synthétiseur, ou alors ils ont été filtrés au mixage, car ils présentent une sonorité qui semble colorée entre autres par du chorus ou du flange. Nous atteignons ici les limites de ce que notre oreille a été capable de discerner parmi une masse sonore assez complexe, mais croyons avoir pu fournir dans la transcription une approximation suffisante pour soutenir et illustrer nos arguments et nos théories.

Conclusions

            Tout au long de ce travail, nous avons pu constater à quel point 'Dear God' manifeste un message clair à l'intérieur d'une forme concise et clairement articulée. Cependant, un jeu complexe de références, de renvois et de chevauchements vient à la fois renforcer le message principal de la chanson et créer de nouveaux liens entre les divers éléments de la pièce. 'Dear God' adopte la grande intelligibilité mélodique et formelle que l'on associe aux chansons populaires (et que l'on pourrait également associer aux sonates du classicisme viennois), mais fait par ailleurs preuve d'une grande richesse et d'une complexité surprenante au niveau de son découpage mélodico-rythmique, dont les divers éléments sont repris et variés dans un souci constant d'unité et de variété. Ce n'est pas un hasard si la ligne de violons de la mesure 42 est une simplification de la ligne vocale de la mesure 10: tous les éléments de cette chanson créent entre eux une complexe relation de contraste et de complémentarité mutuels. On peut même se demander si, à un niveau métaphorique, le conflit existant entre les accords et les notes de basse dans presque toute la pièce ne représentent par l'incompatibilité que perçoit Partridge entre la conception d'un dieu parfait et la réalité de la condition humaine.

            Si 'Dear God' n'est pas la piéce la plus représentative de l'écriture musicale de XTC, elle est peut-être, dans toute la production du groupe, celle qui se rapproche le plus d'un archétype de chanson populaire. En ce sens, le relatif succès qu'elle a connu n'est sans doute pas uniquement tributaire de son sujet polémique. Cette pièce, dont le destin d'origine était de demeurer un obscur B side de 45 tours, s'est imposée par ses caractéristiques propres et par sa capacité à rejoindre les auditeurs, et non sous l'effet d'une quelconque machine de marketing. L'exemple est assez rare pour mériter d'être souligné ici.

            En étudiant ce que devient XTC au milieu des années '80, on se retrouve constamment en présence de l'ombre sous-jacente des Beatles. Tant l'historique du groupe, avec sa décision de cesser de donner des spectacles, que l'esthétique visée par la mise en valeur de chansons simples quant à la forme, mais complexes par leurs arrangements et leur production, viennent créer entre XTC et les Beatles des parallèles frappants. Curieusement, ces parallèles se renforceront encore avec la popularité de 'Dear God', qui vaut à XTC un succès de scandale qui n'est pas sans rappeler la réaction d'un certain public américain face aux déclarations de Lennon selon lesquelles les Beatles étaient maintenant «plus populaires que le Christ». Il est d'ailleurs possible que le succès de la chanson aux États-Unis soit en partie imputable au désir d'une partie de la jeunesse américaine de s'opposer à la fois à la doctrine prônée par Reagan et à l'ascension de Jerry Falwell et de sa moral majority. Le puritanisme est une composante fondamentale du tissu social américain, et il n'est guère surprenant qu'une chanson anti-religion ait trouvé aux États-Unis un écho particulier.

            En faisant appel aux services d'arrageur et de producteur de George Martin, en incorporant les préoccupations sociales, narratives et littéraires de Bob Dylan, en se consacrant à la recherche des possibilités d'expression inhérentes au studio d'enregistrement, les Beatles ont contribué à faire passer le rock du stade de divertissement juvénile à celui de mode d'expression légitime et original de l'Occident de la seconde moitié du XXe siècle. Avec 'Dear God', Andy Partridge se réapproprie cet héritage considérable, tout en faisant preuve d'un sens de la concision, de l'efficacité, de la symétrie et de la cohésion qui transcende les limites de la chanson populaire et que l'on retrouverait, sous des formes différentes mais néanmoins comparables, autant dans la musique de Mozart que dans celle de Duke Ellington.


Bibliographie

Livre:

ASSAYAS, Michka, et coll. Dictionnaire du rock. Deux tomes et un index. Éditions Robert Laffont, collection «Bouquins». Paris, 2000. 2244 pages. On se référera plus particulièrement aux articles «XTC» et «Rundgren, Todd».

Sites internet: (tous consultés en mars et avril 2003)

http://cmj.com/articles/display_article.php?id=11089

(l'origine de la citation apparaissant en frontispice)

http://chalkhills.org

(site non-officiel d'admirateurs de XTC. On y trouvera entre autres une interview accordée par le groupe au magazine Graffiti en 1987, citée dans notre note de bas de page numéro trois.)

http://www.xtcidearecords.co.uk

(site «officiel» de XTC. On y retrouve entre autres un forum de discussion sur 'Dear God'.)

http://www.theblackbook.net/acad/tagg/index.html

(la source des articles de Björnberg et Tagg consultés et cités pour ce travail)

Pièces musicales:

XTC. 1976. 'Dear God' (A. Partridge). Skylarking. Virgin CDV 2399@.

Led Zeppelin. 1969. 'Babe I'm Gonna Leave You' (Bredon/Page/Plant). Led Zeppelin.

            Atlantic 8216. Réédition DC: Atlantic CD 82632, 1994.

Pink Floyd. 1979. 'Is There Anybody Out There?' (Waters). The Wall.

            Harvest - EMI 7243 8 31243 2 9.

Lovin' Spoonful, The. 1966. 'Summer In The City' (Sebastian/Sebastian/Boone). Greatest Hits.      Buddha Records 74465 99716 2, 2000.

Waits, Tom. 1992. 'Dirt In The Ground' (Waits/Brennan). Bone Machine.

            Island Records 314-512 580-2.

Dylan, Bob. 1965. 'All Along The Watchtower'. The Best Of Bob Dylan. Sony Music TVK 24037.   Album original: Highway 61 Revisited, CD: Columbia CD 460953 2.

Dylan, Bob. 1963. 'Blowin' In The Wind'. The Best Of Bob Dylan. Sony Music TVK 24037.

            Album original: The Freewheelin' Bob Dylan, CD: Columbia CD 32390.

Beatles, The. 1968. 'Rocky Raccoon'. The Beatles (mieux connu sous le nom de White Album).

            Parlophone - Apple - EMI C2 46443.

XTC. 1978. 'All Along The Watchtower' (Bob Dylan). White Music. Virgin CDV 2095.


Épilogue

Lundi dernier, au cours d'une pause pendant la rédaction de ce travail, je suis tombé par hasard sur un reportage diffusé à Télé-Québec et portant sur la vie de l'écrivain Salman Rushdie. Le récit de sa condamnation à mort par la Fatwa islamiste donne aux propos de 'Dear God' une pertinence troublante, et souligne l'urgence de tempérer tous les radicalismes religieux si nous tenons à préserver les idéaux libertaires et démocratiques dont veut s'ennorgueillir notre civilisation occidentale.

Nicolas Masino, avril 2003


Annexes

            - liste des pièces apparaissant sur le disque

            - commentaires de fans sur 'Dear God'

            - correspondance avec le newsgroup «alt.music.xtc»

            - transcription de la pièce


Liste des pièces apparaissant sur le disque accompagnant ce travail

1.         XTC : 'Dear God'

2.         Led Zeppelin : 'Babe, I'm Gonna Leave You' (ext.)

3.         Pink Floyd : 'Is There Anybody Out There?' (ext.)

4.         The Lovin' Spoonful : 'Summer In The CIty' (ext.)

5.         Tom Waits : 'Dust In The Ground' (ext.)

6.         Bob Dylan : 'All Along The Watchtower' (ext.)

7.         Bob Dylan : 'Blowin' In The Wind' (ext.)

8.         The Beatles : 'Rocky Raccoon' (ext.)

9.         XTC : 'All Along The Watchtower' (ext.)


Commentaires de fans sur les paroles de 'Dear God'

 Ces commentaires ont été extraits de la section 'forum' du site web officiel de XTC, le 8 avril 2003, à l'adresse suivante:

http://www.xtcidearecords.co.uk/cgi-bin/ikonboard/topic.cgi?forum=9&topic=4

                                   *                      *                      *                      *

            The interesting thing about the song, of course, is that it is a railing against an entity which the singer is saying does not exist in any case. It's more, "If you do exist, I've got to tell you that you've made a total mess of the place, but in truth, I don't believe you exist at all". It seems primarily atheist in nature, although you could make a case that underlying it is a desperate wish that a God did exist, and a bitter disappointment at this non-existent God for not having the decency to exist at all.

                                   *                      *                      *                      *

            As usual for an XTC lyric, "I don't / can't / won't believe in you" has a curious double meaning. Most people seem to interpret it as "I don't think you exist" , thus leading to the irony of addressing a letter to a non-existant person, which has been much discussed.

            However, Protestant Christians tend to use the phrase "believe in" to mean "place faith in", and thus the lyric would be interpreted as "I can't place my faith in you" , and would be solidly in the genre of a Doubting Thomas story, a genre which Christians of all flavors are fond of revisiting.

            I see why a fundamentalist would hate 'Dear God', because it dares to voice doubt in a rather eloquent way.  That prompts a very different irony that while fundamentalists are fond of the Doubting Thomas genre, they're careful to avoid stories which are well written, because they really do make one question one's beliefs (which is said to be the only way to make one's beliefs stronger).

             However, as an non-fundamentalist Christian, I rather enjoy 'Dear God' for its fairly simple representation of a very complex internal struggle -- the only weakness being that it is perhaps a little too simple -- and of course for the brilliant double meaning and the ironies which follow.

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            I’ve been an XTC fan since I was 12 and I became a Christian a couple of years ago at age 25.  In between that, I was a stubborn atheist and “Dear God” played a big part in that!  In the process of trying to disprove Christianity, I became a Christian!  “Dear God” asks only a small handful of questions.  As an ex-atheist, I’ve asked the same questions plus many others.  The lyrics are legitimate and common questions for a non-believer to have.  We’ve all blamed God for actions of imperfect humans.  The blame should be aimed toward organized religion (which is different from having a relationship with God).  It tends to create hierarchies, which develop corruption, aberration in teaching and even cults.  The Bible does not encourage “fighting in the streets”; “they can’t make opinions meet” because everyone has their own human agenda.  They pick a couple of verses out of the Bible, use them out of context to meet their needs, and slap God’s name on it!

            That is man’s product.  God just allowed us free will to do it!

 

            As a Christian in Southern California, I’m in the minority around here and just because I disagree with some of Andy Partridge’s views doesn’t make me any less of an XTC fan.  In some way, I’m glad Andy Partridge wrote “Dear God”.  If it weren’t for that song, I wouldn’t have sought so hard for answers… and found them. Thanks AP!

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            While the level of discussion here is quite intriguing and it is quite an eye-opener to see so many Christian fans put their opinions across, the song which has inspired this debate possesses no intrigue.

            In short, 'Dear God' is dreadful.

 

            I am not in the least part surprised that Andy Partridge did not want this song released as a single. It is overly commercial and the way in which it deals with its subject matter is beyond trite.

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"It takes alot of faith to be an atheist". I forget who said that, it might have been Andy. Personally I love Dear God. They are good straightforward lyrics that argue a point very effectively.  It's impassioned and uses rhetoric well. The "How can a loving God allow bad things to happen" argument is as old as faith in God. I like Dear God so much because of the clarity and delivery of the argument, not because of the argument itself.

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From http://www.celebatheists.com/  ------------------------------------

 The song ["Dear God"] fulfilled a dream of [Andy] Partridge's, that of a pop song with an innocent air but biting lyrics, polemical and strong; it fulfilled the dream well, even if its impossible-to-please author thought that "it failed in part, because it wasn't as caustic as I would've liked it to be. It should've been a nail in throat of the public, but instead some took it as a declaration of faith when I wanted to make it clear that I don't believe in God - and that even if there is a He or a She they have nothing to do with organized religion." -- from the essay "The Ballad of the Pumpkinheads: A Stratosphearic History of the Dukes of Swindon", by Riccardo Bertoncelli

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 From an interview with Partridge (The editor asks that someone please send in source and date of interview if it can be found. Thanks.)...

 LL: Do you reckon that "Dear God" will get any feed back?

 Andy: I hope so. I'm sure people will write and say of course there's a God, how can you think there's not one? We get a lot of letters like that in any case. We seem to attract irate Christians. And I'm sure we'll get a few saying, "How good, 'cos I've always thought that as well."

 Basically I don't believe in God. I don't think there's a stately British actor in a white sheet looking down on us all and deciding that you're going to get run over, and you're going to win the pool...

 LL: But this verse (from Season Cycle), "I really get confused on who would make all this/is there a God in Heaven?/Everybody says join our religion get to Heaven/I say no thanks why bless my soul/I'm already there!" - could God not be something that is already there?

 

Andy: Heaven is your state of mind, so is Hell. Any why people took things so literally... it's obviously metaphorical for a state of mind. I don't believe the Bible. I believe most of the Bible is not lies, but fantasy based on a tiny thread of something maybe not so fantastic after all. You gotta be a good person and that's all. If you can create Heaven for yourself without creating Hell for somebody else, fine. That's a good enough code. Try and create Heaven for somebody else as well, but don't create Hell for anyone 'cos that's less than animal.

            The thing about religions is that they are killers. And they are there for power. The Catholic Church, for example, could end poverty overnight just with some of the ludicrous gold artefacts that they have amassed and the wealth they have in banks and land. They could use the power of that money to end world poverty. You could get more use out of one corner of one room in the Vatican than the whole of Band Aid put together. And then they come on and get all sanctimonious about people striking. Most religions have phenomenal power and it's what they exist for. It's why churches were built so big and glorious. The rest of us lived in mud huts and what a swell fellow God was 'cos he had such a nice house.

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I find it interesting that no one has addressed the manner in which the lyrics are delivered.  Doesn't it strike anyone as odd that a 10 year old child opens and closes the piece?  I find it fascinating.  Perhaps these are beliefs or questions AP had harbored as a child, but never felt able to discuss freely.    Also of interest is the "unholy hoax" segement at the end of the song.  The rising fury of AP's delivery which culminates in the child's voice...it suggests to me a kind of catharsis, an eschewing of demons from his childhood.

 Of course, it could just be me.  

 (Edited by omni689 at 1:04 am on Feb. 21, 2002)

 ----- All generalizations are bad.  Including this one.

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"If Christianity is as good as everyone says it is, then it should be able to stand up to a little criticism."

     - George Harrison, with reference to attacks on Lennon's "Bigger than Jesus" statement...



[1]Philippe Auclair, Dictionnaire du rock, pp. 2186-2187

[2]http://chalkhills.org/articles/Skylarking.html#lm87

[3]Rick McGinnis, XTC Addresses God!, Graffiti Magazine, Vol. 3, No. 9, August/September, 1987. Conservé en ligne à l'adresse suivante: http://chalkhills.org/articles/Graffiti8708.html

[4]Dictionnaire du rock, p. 2186

[5]Dictionnaire du rock, p. 2183

[6]Dictionnaire du rock, p. 2186

[7]Dictionnaire du rock, p. 1638

[8]Dictionnaire du rock, p. 1639

[9]Dictionnaire du rock, p. 2186

[10]Alf Björnberg, On aeolian harmony in contemporary popular music, 1984. Consulté à l'adresse suivante: http://www.theblackbook.net/acad/tagg/others/bjbgeol.html

[11]Philip Tagg,'Universal' music and the case of death, accessible à l'adresse suivante: http://www.theblackbook.net/acad/tagg/articles/deathmus.html

[12]Dans le même ordre d'idées, le simple fait de faire écrire par un enfant une lettre destinée à un personnage lointain dont on doute de l'existence suffit peut-être à déclencher chez l'auditeur l'association avec une lettre au Père Noël. Ceci renforce la connotation de Dieu perçu comme un être factice, auquel on croit par naïveté ou par innocence, et dont on réalise en vieillissant qu'il n'est qu'un mythe.

[13]Dictionnaire du rock, p. 1916.

[14]La guitare de Woody Guthrie portait cette inscription: «This machine kills fascists».